Patrizia Di Fiore, Frédéric Ramade
Marges, Mission photographique
Pour réunir l’ensemble des photographies proposées, Patrizia Di Fiore a effectué plusieurs séjours en Haute Normandie, elle a parcouru ses routes et ses chemins à différentes saisons dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres, entre Evreux et Rouen. Elle n’est pas entrée dans ces grandes cités, elle s’en est tenue à l’écart pour arpenter la campagne environnante et suivre ses mutations. Ainsi, les fourmilières urbaines n’apparaissent-elles que dans les lointains. Elle a visité les lieux d’un exil urbain, ces endroits qui échappent à la ville tout en lui étant étroitement liés. Ce reportage a tourné autour des villes sans les atteindre. Il nous semble revoir des lieux familiers sans que nous ne sachions les définir; ils font irruption dans le paysage, surprennent, brouillent le regard. Instables, incertains, ils bougent et la photo possède le privilège de les fixer, de donner le temps de la réflexion.
Le paysage abordé par Patrizia Di Fiore est fait de terrains imbriqués, le territoire n’a pas d’homogénéité et la coupe qu’elle effectue en présente les différentes facettes. Dans le cadre, l’étendue de pays a perdu sa perspective unitaire; le paysage ne se contemple plus de manière panoramique, d’un point de vue où tous les aspects du paysage seraient rassemblés en un seul coup d’oeil. Justement, ces photographies prennent le contre-pied du point de vue panoramique, il n’y a plus d’unité dans la vision de l’espace. L’environnement est fragmenté et le paysage est pris entre cet éclatement des lieux et cette transformation de la nature induite par la mutation de nos modes de vie. Et le regard de Patrizia Di Fiore ne domine jamais le terrain; elle envisage l’espace à hauteur d’homme, ainsi avons-nous les pieds dans cette terre grasse retournée, suivons-nous les clôtures, entrons-nous dans ce square près des jeux d’enfants abandonnés. Les photographies rendent compte de cette mosaïque entre le maintien de zones agricoles et l’apparition d’un nouvel habitat.
En contrepoint à la présentation des photographies de Patrizia Di Fiore, le cinéaste Frédéric Ramade a réalisé dans la galerie une installation en lien avec son film Ode pavillonnaire où il évoque le pavillon de ses parents construit dans les années soixante-dix, lieu de sa jeunesse et sujet des réflexions de l’artiste qu’il est devenu aujourd’hui.