Designer berlinoise, Marei Rei (alias Amelie Marei Loellmann), compose des pièces qui conjuguent tissage artisanal et béton. Tandis que fêtant l’ouverture de son nouvel espace parisien, « Le 16 », la Galerie Gosserez inaugure le lieu par une exposition monographique. La rencontre des deux donne ainsi « Dis-jointures » [graphie : « Dis/-jointures »], une exposition de Marei Rei, réunissant une série de tapis / tapisseries spécialement conçue pour la Galerie Gosserez. Soit une manière sensible de célébrer l’investissement de nouveaux murs, par une série qui célèbre elle-même l’alliage des matériaux. Lin, feutre, béton, coton, cuir… Les tapis et tapisseries de Marei Rei interpellent le sens du toucher en lui proposant des textures inhabituelles. Combinant matériaux durs et souples, Marei Rei livre ainsi des pièces aux motifs géométriques abstraits. Ou très concrets, pour jouer sur les mots — en anglais, le béton se disant concrete.
La Galerie Gosserez inaugure son nouvel espace avec « Dis-jointures », de Marei Rei
À l’instar de la pièce Concrete no 10 (béton sur textile, lin naturel tissé à la main, cuir et base de tissage), les œuvres de Marei Rei déroutent les attentes. Entre mosaïque et textile, entre le minéral du béton et l’organique de la fibre végétale ou de la peau (cuir), Marei Rei offre une synthèse du divers. De loin, les pièces forment des sortes de patchworks géométriques aux parties disparates. De près, le travail des jointures captive l’attention. Se devinent des défis à relever, autour de la répartition du poids des pièces notamment. Le béton et la laine naturelle n’ayant pas la même densité. Entre souplesse et rigidité, Marei Rei flirte aussi avec la peinture et l’architecture. Pour des alliances de textures troublantes et concrètes. Sans chercher à dissimuler le lieu de la rencontre, au contraire, l’exposition « Dis-jointures » valorise ainsi l’endroit où des matériaux très dissemblables se rejoignent.
Marei Rei : un design textile (tapis / tapisseries) mariant béton et tissages
Habile expérimentation d’assemblages, pour l’exposition « Dis-jointures » Marei Rei a conçu ses tapisseries à partir de techniques hétérogènes. En coulant du béton léger, en intégrant et tissant des plaques solides dans une trame textile, en cousant des pièces textiles… Il y a presque du diagramme de Voronoï dans la disposition des éléments. Tandis que de près, coutures et anfractuosités laissent deviner du divers jusque dans l’uni (brins de laine, pièces de cotons…). L’art de la couture, du Kintsugi japonais (réparation avec de l’or) à la suture chirurgicale ou philosophique, ouvre un champ riche en possibilités. Plus les éléments sont éloignés, plus l’art de les relier relève de la gageure. Reflet architectural de l’hétérogénéité urbaine contemporaine… Cartographie concrète… Les pièces de Marei Rei forment des terrains où la fibre végétale côtoie le béton, ou l’épiderme se frotte à la tonsure. Pour des pièces qui semblent défier les lois de l’attraction.