Il suffit de penser aux carnavals, aux bacchanales, ou encore aux free parties, pour se souvenir de la puissance unificatrice de la danse. Certes la musique a cette capacité de relier les individus en foules, mais la danse aussi. Et ce n’est pas un phénomène homogène. Explorant ce pouvoir de créer du lien, de l’empathie, le chorégraphe portugais Marco da Silva Ferreira (Cie Pensamento Avulso) a ainsi créé Brother (2017). Une pièce pour sept danseurs, imprégnée de cette énergie communicative. Et sur un live musical de Rui Lima et Sérgio Martins, au croisement entre électro pulsatile et son texturé, Brother met en lumière ce qui fait la chair du fédérateur. La scène est sobre, dépouillée, libérant ainsi toute l’attention pour la contemplation des danseurs et danseuses. De leurs mouvements, de leurs interactions, de leurs échanges de regards et de leur visage. Des visages qui, justement, sont peints en jaune.
Brother de Marco da Silva Ferreira : ce qu’il y a de si communicatif dans la danse
Avoir le visage peint en jaune, c’est à la fois porter un masque et souligner son visage. Le rendre saillant dans la lumière. Entre danses urbaines et tribales, Brother ne s’attache pas tant à l’effet de masse, informe, qu’à ce qui relie les individus. Des personnes, avec une individualité, un visage, un corps singulier, se connectant par la danse les uns aux autres. Pour créer Brother, Marco da Silva Ferreira est allé puiser dans différents corpus chorégraphiques. Le Kuduro, le Pantsula, le Voguing et des vidéos de danses ethniques, notamment. À partir de ces éléments chorégraphiques, Brother permet de sentir, physiquement, ce que trame la danse entre ceux qui la font. Et c’est la mémoire corporelle qui affleure. Celle des interprètes comme celle des publics. Une mémoire qui fait remonter quelque chose d’animal à la surface de la peau. Non pas la barbarie, mais un feeling : un sentiment de lien.
L’imitation comme manière d’apprendre et réinventer : une mémoire chorégraphique
Expliquant sa démarche, Marco da Silva Ferreira souligne la continuité entre Brother et son précédent spectacle Hu(r)mano (2015). Mais si Hu(r)mano s’attachait à détacher les caractéristiques des danses urbaines comme une sorte de typologie un peu abstraite, Brother compose plutôt du liant. Ici, Marco da Silva Ferreira met au jour ce qui se transmet au fil des générations. Et un peu comme Aby Warburg et sa bibliothèque d’images, Brother déplie les affinités, les similitudes, les survivances de danses en danses. Ce fond de résonance qui continue de vibrer. Et la pièce Brother est structurée par une forme d’imitation. Les danseurs ne cessent de s’observer et de s’imiter les uns les autres. Parfois en solo, parfois en groupe : l’attention reste constante et la danse se propage en variations magnétiques. Livrant ainsi une pièce qui mobilise les mémoires collectives, les effets d’entrainement et d’apprentissage et la sensation physique de résonance.