Communiqué de presse
Patrick Bernier, Olive Martin
Manmuswak
Man must walk, l’homme doit marcher, il faut bien que l’homme vive, ou bien encore l’Homme-doit-viver, selon la traduction française de Sozaboy, le roman de l’auteur nigérian Ken Saro Wiwa duquel est tiré le titre de ce film. De fait, notre homme marche : depuis un quartier périphérique, cité-enclave où il partage une chambre dans une tour, à travers un terrain vague ; dans les rues du centre-ville, dans les rayons d’un centre commercial ; dans les allées du Jardin des Plantes ; sur une avenue, le soir. La ville est ainsi arpentée ; il en prend la mesure, la quadrille, la vit au gré des déplacements que ses remplacements nécessitent.
Car il faut bien que l’homme vive : et pour vivre, il accepte des emplois qui ne correspondent en rien à sa formation et à son niveau de qualification. Les ivoiriens ont un terme pour qualifier le travail de ces émigrés : djossi, qui signifie balayer et date du temps où les africains en France étaient principalement employés dans l’entretien des voiries. Vigile, gardien, videur et autres emplois ressortissant à la sécurité, semblent être de nos jours de ces emplois djossi. Apparent paradoxe que soient systématiquement employées aux postes de contrôles de frontières privées, des personnes dont nos autorités soupçonnent tout aussi systématiquement la situation régulière sur le territoire.
Cependant, le principe de relais (entre les personnes qu’il remplace occasionnellement dans leur poste de vigile) que pratique notre personnage, K, lui donne l’occasion d’établir «des liens inhabituels et sur une échelle géographique plus vaste, mais aussi socialement différenciés», selon les lieux qu’il garde et les relations qu’il entretient avec la population qui les fréquente, et «fait de lui, un tisseur du réseau social, un artisan de la multitude, qui ouvre des perspectives nouvelles : les liens du grand réseau socio-économique ne passent pas uniquement par les travailleurs cognitifs et les hommes d’affaire».
En ce sens, il fait écho à l’ « Homo Corona, Homme Ring », figure centrale du premier épisode de « Quelques K de mémoire vive », récit de vie de Patrick Bernier conté à la galerie par Carlos Ouédraogo en juillet et novembre 2003 (la présente exposition sera l’occasion de donner à entendre le deuxième épisode de ce récit centré sur sa participation à l’expérience curatoriale « I Am A Curator », menée par Per Hüttner à la Chisenhale Gallery à Londres en novembre 2003).
Manmuswak fait également écho, notamment dans la manière dont y circule K. et les échanges d’identité auxquels il doit se plier, aux précédentes recherches d’Olive Martin comme, par exemple, son film, « Loop », dans lequel différents acteurs et actrices endossaient le temps d’un plan, le rôle d’un même couple circulant autour d’un block à Chicago, ou sa série photographique « Patrick(s) Bernier(s) », composée de portraits d’homonymes.
Le film est construit en séquences ambigües – comme l’étaient les images du test psychologique remises en scène par Olive Martin dans sa série « Après le TAT »- qui laissent au spectateur la responsabilité de son interprétation. De cette manière, nous avons voulu qu’il n’apparaisse ni comme une fiction, ni comme un documentaire mais comme un concentré d’histoires mi-vécues mi-projetées, ou bien pour le dire autrement, comme une fiction sur la vie vécue par ces personnes et un documentaire sur notre façon de les percevoir.
Partenaires
Le film « Manmuswak » a été produit par le Groupe de Recherche et d’Essai Cinématographique (GREC), avec la participation de la Délégation aux Arts plastiques (Fonds Images/Mouvement), du Fonds d’Action et de Soutient pour l’Intégration et de Lutte contre les Discriminations (FASILD), de la Région Pays de la Loire, de l’Association Tissé Métisse – Nantes, Du Fresnoy – Studio National des Arts Contemporain, et de la galerie Maisonneuve.
Les artistes
Patrick Bernier
Patrick Bernier est né en 1971, à Paris.
Après un parcours universitaire en Arts Plastiques et en Philosophie à la Sorbonne, il entre en 1996 à l’Ecole des Beaux-arts de Paris, étudie six mois en 1998 à l’Institut National d’Art d’Abidjan en Côte d’Ivoire, et participe en 2000 à la première session du “Collège Invisible”, post-diplôme de l’école des Beaux-arts de Marseille.
Il développe depuis 5 ans un projet autour de la notion d’hébergement au gré d’invitations dans des expositions en France et à l’étranger (« lascaux 2 », Villa Arson, Nice, 1999, « TranzTech », Toronto, 2001, « Curatorial Market », Cuchifritos, New York, 2002, « I Am A Curator », Chisenhale Gallery, Londres, 2003). La documentation de ce travail immatériel est l’occasion d’une collaboration avec le conteur burkinabé Carlos Ouédraogo qui, en véritable alter-ego, narre ces expériences lors de présentations publiques (Galerie Maisonneuve, Paris, 2003 ; Ménagerie de Verre, Paris, 2003 ; Ecole des Beaux-arts de Grenoble, 2005).
Depuis 2001, il milite activement au sein d’une association de solidarité avec les travailleurs immigrés à Nantes dans laquelle il apporte une assistance juridique et scripturale et lutte pour l’égalité des droits entre européens et étrangers, notamment en terme de liberté de circulation et d’installation.
Olive Martin
Olive Martin est née en 1972, à Liège en Belgique.
Après des études universitaires à Toulouse en histoire de l’art, elle entre à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1996. Elle y rencontre Patrick Bernier qu’elle rejoint en Afrique (Côte d’Ivoire, Mali, Burkina-Faso) en 1998. Elle bénéficie d’une bourse d’étude de six mois à Chicago en 1999 où elle suit les cours du Département Cinéma et Photographie de l’Art Institut. Elle participe en 2001 au post-diplôme de l’école des Beaux-arts de Nantes. Olive Martin opère dans son travail une approche détournée de l’identité, de ses travestissements et de ses détours et poursuit l’idée d’une « singularité quelconque » dans ses photographies et installations qu’elle présente lors d’expositions : « Voilà » au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en 2000 pour la pièce « La peinture des Martin » de Bertrand Lavier ; « Blow By Blow » à la Zoo Galerie à Nantes en 2001 ; « Nursery World » à la Galerie Jennifer Flay à Paris, « La femme au Portrait » divers lieux, Nantes ; « Time Warp » à la galerie Maisonneuve à Paris et « Ce fût comme une apparition… » au musée des Beaux-arts de Pau en 2003. Sa série photographique « Après le TAT » est acquise par l’Artothèque Nantaise en 2004 et fait en 2005 l’objet d’un livre « Common Objects » en collaboration avec l’écrivain américaine April Durham, publié aux éditions Joca Seria à Nantes.
Patrick Bernier et Olive Martin vivent et travaillent actuellement à Nantes.
Ils ont co-signé de nombreux projets liés en particulier au canal #atelierenreseau sur lequel ils ont animé des rendez-vous hebdomaires de 1998 à 2001 (« Now talking in #atelierenreseau », pilote de sitcom, 1999 ; « A Nice Showroom », exposition, SEche, Paris, 2000 ; « A Nice Chatroom 2 », installation, 2000 ; « Résumés des épisodes précédents », feuilleton radiophonique », 2001 ; « Episodes Précédents », site web, 2001.)