Claude Closky est le lauréat du Prix Marcel Duchamp 2005 pour l’ensemble d’une œuvre qui semble s’être donnée pour mission de décrypter les signes qui saturent le quotidien, d’en ouvrir la vacuité en béances tragi-comiques. On connaît les classements d’articles de consommation par ordre croissant de prix, les abécédaires de marques et de logos, les agendas qui proposent pour chaque jour de l’année une devise bien pesée de l’inconséquence publicitaire, ou encore ces compilations porno qui enchaînent sans souffler les prouesses sexuelles d’un été à Arcachon.
Le principe est somme toute toujours le même: des signes (images, logos, textes, sons) collectés dans le pullulement médiatique, marketing et des produits de masse — ce qui suppose temps et ordre, obsessions récurrentes de l’œuvre —, réagencés dans une forme vernaculaire, elle aussi trouvée.
Pour l’Espace 315, cette forme réceptacle est celle d’une attraction foraine virtuelle: un manège, parfaitement immobile.
Aux murs, à intervalles réguliers et à hauteur de regard, seize écrans plats, couleur bleu vidéo. Tour à tour, l’un à la suite de l’autre, ils s’animent quelques secondes. Animations graphiques ou photographiques, qui se résument à un geste, ou une action, à teneur strictement utilitaire ou informative: didactique (faire un nœud en huit), mode d’emploi (ouvrir et fermer un store), démonstrative (de la contenance du coffre d’une automobile), pratique (l’écoulement d’un sablier), sportive (sauts acrobatiques en VTT), etc. D’autres sont de nature plus énigmatiques, mais l’intérêt n’en est pas plus grand.
Comme à son habitude, Closky a collectionné un nombre apparemment infini de ces icônes mouvantes, qui s’agitent ou se déroulent sur nos écrans d’ordinateur. Décontextualisées, elles deviennent les motifs grossiers (par leur faible résolution) qui, dans leur mouvement circulaire d’apparition-disparition, entraînent le spectateur dans une ronde inutile et vaine, au rythme de jingles composés de quelques mesures technos mises en boucle. Ambiance fête foraine assurée, pour manège qui tourne à vide.
Le passage aléatoire de l’image comme de l’accompagnement sonore transforme parfois un ouvrier enchaîné à son marteau piqueur en danseur endiablé, ou provoque, de temps à autre, des suspenses grandiloquents: une corbeille (celle de nos bureaux de PC bien sûr) qui, après quelques boucles, finit par se gonfler.
Ces images chargées de délivrer des messages rudimentaires et sans équivoque deviennent purs divertissements, à la fois rassurants, par leur familiarité, et déceptifs, par la pauvreté des dénouements. Closky, plus que jamais, s’affirme l’artiste de la surface (derrière laquelle il n’y a rien, disait Warhol), celle qui nous glace dans la futilité et le dérisoire.
Claude Cklosky, Manège, 2006. Installation. 16 écrans plats, son.
parisART sur Instagram