On distinguera dans l’oeuvre de Santoro des degrés de réification très divers, selon que les pièces laissent constater qu’il y a eu processus ou non. Les écritures nuancent la réification, là où les néons semblent l’accélérer (même si leurs modes d’installation apportent une nuance à cette affirmation).
On pourrait décrire partiellement ce travail comme une tentative de faire oeuvre avec les possibilités d’inscriptions matérielles du langage: on trouve dans le corpus de Santoro de nombreuses occurrences visuelles du langage écrit (le langage est dactylographié, manuscrit, imprimé, gravé 1, réifié sous forme de néons ou de collages) ou des occurrences sonores de parole (dans les installations sonores et les vidéos).
Dans tous les cas, le langage vient s’inscrire sur un support. L’existence d’un support est ici la condition de possibilité même de la mise en représentation du langage et de la parole.
Aucun privilège n’est accordé à une parole orale qui ne pourrait se fixer au risque de perdre en vérité (on pourrait tracer une généalogie de cette position depuis le Phèdre de Platon jusqu’aux discussion-pièces de lan Wilson), non plus qu’à une forme d’écriture standardisée ou à la graphie de l’artiste.
Une des dimensions du travail de Santoro joue sur l’investissement esthétique de ce que Goodman désigne comme les caractères secondaires 2 du langage écrit (la typographie, la graphie, la couleur, etc.3). Plus largement, l’objet du travail de Santoro est le langage représenté (notion dans laquelle on rangera aussi bien les boucles sonores des installations 4, les énoncés prononcés par les acteurs de ses vidéos que les travaux sur papier ou prenant la forme de néon).
Toute inscription matérielle du langage sert diversement à pointer ses qualités d’objet, les particularités de sa forme orale, ou les règles de son organisation, sans s’enfermer dans la boucle d’un art strictement autoréflexif (on pensera aux procédés littéraires regroupés sous le terme d’ostraniene -d’«étrangement»- par le groupe des formalistes russes). (Nicolas Fourgeaud, extraits de « Vittorio Santoro, La lenteur de l’esprit », Art21 n° 25, hiver 2009/2010)