Avec une installation comme Schock Long-Term Treatment (1997-2001), ensemble de poubelles de métal vert avec sac en plastique, ou de bois avec drapeau américain, Barthélémy Toguo fait-il allusion au refus des États-Unis de respecter la réglementation sur le rejet des gaz à effets de serre ?
On prête à Toguo des préoccupations écologiques, mais on lui prête aussi une volonté de dire les injustices dont font preuve les pays riches envers les pays pauvres. On fait de Toguo un conteur d’histoire, un «faiseur d’histoire» grâce à la métaphore, grâce au symbole. Le bois, matériau souvent travaillé par l’artiste, symboliserait l’être humain dans une référence au trafic des esclaves du passé et aux travailleurs immigrés du présent, comme dans cette installation montrée au Lieu unique à Nantes (exposition «Emergency Exit», 2002), le «couloir» des avions de bois, immense radeau plombé de roches et de bouteilles en verre. Mais l’art est-il le reflet de la société ? Ou bien ce qu’on n’a pas encore vu, senti, compris? Même si ces symboles existent chez Toguo, l’œuvre de Toguo n‘est pas dans les symboles.
«Il ne me paraît pas nécessaire de mettre des cauris ou des écorces pour faire africain… Pour ma part, je pense que je suis un Africain et un artiste vivant dans un milieu, avec ce qu’il trouve, ce qu’il ressent» (Toguo cité par Richard Leydier, Art Press). Toguo est africain mais il ne fait pas une œuvre africaine. Il est un artiste dans son œuvre, mais son œuvre n’est pas l’œil-artiste témoin du monde.
Dans l’exposition de la galerie Anne de Villepoix qu’il a intitulée «Mamie Water» (Eau Mère), Toguo a répandu du corps sur les murs par la peinture. Il a mis du corps de peinture. Il a peint un sein, plutôt une énorme mamelle noire en pointillés, un corps caverneux comme un œil, qui pointe une circulation nourricière liquide, aérienne, qui monte sur les murs, les inonde au-dessus des poubelles. L’irrigation passe par des nœuds d’aquarelles sur papier. Ici, un corps de femme debout, jambes hautes à talons, pisse rouge sur la terre. Là , une matière aqueuse faite visage se répète comme motif d’une carte à jouer un peu défaite : la tête dans le rouge qui crache. Où encore les ondes d’un corps noir : un homme, l’écho d’un profil, des lignes qui résonnent toutes ses cellules.
Libertyest une installation qui met en scène un corps de bois enfant suspendu en l’air au-dessus d’un récipient. Certains membres, détachés, planent à côté du corps. Sur le mur, ce n’est pas une peau, c’est un feu, un liquide qui fait une jambe et des étincelles et des veines qui passent par le suspend de l’enfant, un «enfant bois» au-dessus du sol.
De bois encore, des vêtements fixés à des portemanteaux pour un vestiaire à ciel ouvert. C’est l’installation Garde-Robe. Des petits bois robe, cravate, gilet, chaussettes, pantalon. Des vêtements taille enfant. Des morceaux d’enfance. Des bouts de bois d’enfants. Du bois d’enfance. Garde-Robe, on l’aperçoit au milieu d’un soleil de feu peint au loin sur le mur, antre d’une gueule grande ouverte ou œil d’un cyclone. Bois enfant.
Barthélémy Toguo
Aquarelles, 2001. Trois groupes de quatre. 28 x 38 cm chacune.
— Chocolate, Before Christ, Sweet Thing, Greedy.
— Butterfly Game, Horny in the Plane, The Cannibal, The Gardian.
— On the Montain, Holy Caw, First Floor, Grace.
Aquarelles, 2001. 208 x 130 cm.
— Confession
— Monologue
— Nyankassa
— On the river
— The Player
Exist, 1999. Aquarelle. 200 x 136 cm.
Peintures acrylique et aquarelle sur papier, 2001. 75 x 96 cm chacune :
— Crazy Cow
— The Gag
— Fidelity
— Heaven
Sculptures et installations :
— Garde Robe, 1997. Bois. Hauteur 200 cm, longueur 300cm.
— China Town Exil, 2001. Bois, tissu, technique mixte. 50 x 60 x 200 cm.
— Game Over, 2002. Bois, 10 éléments. Dimensions variables.
— Liberty, 2002. Bois. Dimensions variables.
— Shock Long-Term Treatment 1 à 5, 1997-2000. Bois et tissu. 38 x 28 x 84 (h) cm chaque.