Pièce créée en 2018, 3, de Malika Djardi (Association Stand) vient clore sa première trilogie chorégraphique. Une trilogie composée de Sa prière (2014), Horion (2016) et 3. Troisième moment pour trois danseuses… La pièce se joue du triple. Elle est interprétée par Malika Djardi, Ana Pi et Maud Pizon. Un conférencier (Julien Lacroix) se joint également à cette trinité. Pièce aux allures sciences-fictionnelles, 3 revient aux bases. Les trois textures du temps (passé, présent, futur), les trois dimensions de l’espace (hauteur, longueur, largeur), les trois états de la matière (gazeux, liquide, solide)… Installant une distance par une mise en scène énigmatique, avec un monolithe lumineux au centre de l’espace, le spectacle induit aussi une immersion en soi. Comme une plongée dans la structure de la pensée. Et à l’occasion d’ « Occupation Artistique », au Centre National de la Danse de Pantin, Malika Djardi présentera des extraits de 3.
3 (extraits) de Malika Djardi, pendant « Occupation Artistique » au CN D de Pantin
La guerre de 3 a-t-elle eu lieu ? Paysage post-apocalyptique, la pièce file la narration. Dans un futur indéterminé, sur une terre stérile, trois femmes en combinaison tentent de sauver l’humanité. Entre mime, supplique et rite de fécondité. Tandis que la seconde partie de la pièce, collision presque frontale, vient percuter cette première approche. En installant un contexte de conférence scientifique. Deux régimes de connaissances, deux régimes de croyances. Avec Sa Prière, Malika Djardi déployait une chorégraphie autour de la religiosité de sa mère. Comme un élan mystique à la fois proche et inaccessible. Pour Horion, le coup, la violence du coup et sa polysémie, occupait la scène. Avec 3, quelque chose a eu lieu, quelque chose de probablement assez violent, dont ne reste que la trace. Tandis que la danse vient proposer des interprétations. Fiction narrative d’une part ; discours scientifique de l’autre.
Une pièce chorégraphique double, entre fiction narrative et conférence scientifique
Pièce en deux parties, 3 donne à percevoir un même objet, une même situation, selon deux angles — telle la différence entre attitude scientifique et attitude métaphysique. Dans La Pensée et le mouvant (1934), Henri Bergson distinguait deux manières de connaître. L’une objective et scientifique, par l’extérieur et le quantitatif ; l’autre subjective et métaphysique, par l’intérieur et la projection. Deux positions non simultanées, pour deux approches à synthétiser en soi. Défi (ou dilemme) aujourd’hui encore non tranché, 3, de Malika Djardi, en prolonge ainsi la dynamique. « Quels pourraient être nos langages, nos émotions et sensibilités futures ? » Spectacle prospectif, 3 plonge dans un territoire inconnu, avec, pour filet de sûreté, quelques bases connues. La structure de l’espace, du temps, de la matière… Autant de repères susceptibles de partir en fumée dès la première secousse. Mais le but d’ « Occupation Artistique » n’est-il pas de mettre au jour de nouvelles pistes ?