Pour cette exposition, Alain Declercq a réaménagé l’espace du Centre d’art: une borne d’accueil, des bureaux, chaises et tables, et surtout une voiture de police — une Citroën de type «Évasion». On se croirait sur le plateau de tournage d’une série policière.
L’hôtesse d’accueil nous tend un formulaire. C’est un contrat qui offre la possibilité d’emprunter le véhicule de police et de s’en servir sur la voie publique, tout en mentionnant les articles 433-15 et 433-22 du Code pénal qui interdisent d’utiliser véhicules, insignes et autres instruments réservés aux fonctionnaires de la Police nationale.
Alain Declercq nous propose donc de l’accompagner, à nos risques et périls, dans l’une des ses nombreuses actions de transgression de l’ordre et de l’autorité. On se rappelle qu’il a suivi et surveillé avec une caméra vidéo les forces de l’ordre en action, qu’il a effectué des «faux en écriture», transformé un espace d’exposition en prison pour mettre en scène une évasion par hélicoptère, et qu’il a fait inscrire dans une palissade — à coups de balles réelles par un tireur d’élite anonyme — la devise de Mesrine, «Instinct de mort». Jouer avec le feu pour déjouer la loi et retourner des situations.
Oserons-nous emprunter la voiture de police, enfreindre la loi? On est tiraillé entre la contestation de l’ordre établi et l’attitude citoyenne. Quelles seraient les réactions de la police dans cette banlieue chaude ?
Si «l’œuvre compromet son auteur» (René Passeron), qu’en est-il d’un artiste compromettant par son œuvre l’autorité ? Jusqu’à quel point peut-il le faire? Alain Declercq défie la loi en confiant à un autre (le spectateur) la responsabilité de ce défi. Le retournement de situation et le détournement des règles sont les principales directions de recherche d’Alain Declercq.
Mais une série d’ektachromes disposés sur une table lumineuse révèle que la Citroën «Évasion» ornée des signes de la police est un faux. Le processus de maquillage du véhicule rapporté ici s’apparentant à une pratique picturale de mimesis. En outre, Alain Declercq présente cent quatre-vingt-six photos plastifiées en libre consultation dans des bacs en carton réparties selon les séries suivantes: Bang, Customized, Demain les chiens, Happy people, Les Manifestes, Security.
Au-delà de ses jeux avec la loi, Alain Declercq procède à une vive remise en cause des conditions mêmes de l’exposition. Les décors d’administration «policière» ne sont autres que les bureaux déplacés du directeur du centre et de son adjoint. L’un et l’autre sont ainsi mis en «représentation» sous les regards des spectateurs, comme en «détention», en état de surveillance. Le (vrai) «commissaire» de l’exposition est transformé en (faux) «commissaire» de police. C’est encore l’ordre établi du monde de l’art qui est déjoué quand, vue de l’extérieur, la voiture apparaît au travers des vitrines du «Centre d’art contemporain» et le transforme ainsi en un garage de police. Une manière d’associer la police et les institutions artistiques dans une même mission de maintien de l’ordre.
Alain Declercq
— six séries de photographies (186 photos), 2002. 17,5 X 13 cm.
— une voiture de police
— une photographie sans titre (bâtiments d’une cité, ordinateurs jetés au sol), 2002.