Thierry Costesèque
Magic city
La peinture de Thierry Costesèque s’inscrit dans le contexte de la désinhibition contemporaine à l’égard de l’image. Selon des options très diverses, nombreux sont désormais les artistes qui mixent l’héritage technique et historique de la peinture avec des références visuelles issues des médias contemporains. Débarrassés des dogmatismes des générations précédentes, ces artistes transcendent les catégories instituées et les plus intéressants d’entre eux savent échapper également à la rhétorique affichée de l’effet et de la décomplexion.
Thierry Costesèque est de ceux-là . Il développe une peinture où coexistent l’abstraction et la figuration dans un espace autonome très singulier, des ressources techniques diversifiées (huile, acrylique, collage, dessin…) et une certaine économie formelle, une apparente légèreté et une très grande rigueur, des influences qui vont de la peinture ancienne au Pop Art.
Notamment, cette peinture prend acte de la profonde mutation de notre rapport au réel, sous l’effet conjoint de la prolifération, la manipulation et la circulation des images médiatiques, et des innovations techniques qui bouleversent la vie quotidienne et les usages sociaux.
Thierry Costesèque peint un monde changeant, contrasté et glissant, sans toutefois s’attacher à une imagerie clairement identifiable. La singularité de cette peinture tient moins aux éléments représentés – de simples traces, des gestes, des zones colorées – qu’aux qualités de surface qu’elle produit.
La blancheur de la toile apprêtée occupe la majeure partie des tableaux, en particulier la zone centrale, comme évidée, ménageant un espace visuellement vierge mais vibrant en écho aux inscriptions périphériques, parfois très ténues. Des transparences liquides sont parsemées de points et d’empreintes, le bristol gouaché est brutalement interrompu par un petit bout de papier plastifié, des motifs sont dédoublés en un bégaiement visuel qui produit des espaces d’incertitude.
Dans Le postmodernisme, ou la logique du capitalisme tardif, Fredric Jameson considère que le regard contemporain se caractérise par le fait que « la profondeur est remplacée par la surface, ou de multiples surfaces ». Cela ne signifie pas l’abandon des différentes strates qui constituent un espace profond, mais leur rabattement au premier plan.
Dans la peinture de Thierry Costesèque, ces différentes surfaces sont composées comme une marqueterie subtile, si bien que, au sein d’un format généralement réduit, l’oeil passe sans cesse d’un type d’espace à un autre, d’une saveur à une autre. Les tableaux de Thierry Costesèque ne sont donc pas des écrans où serait projeté le flux de l’imagerie contemporaine, mais des objets dotés d’une remarquable densité matérielle.
Ce sont les configurations formelles particulières, concrétisées (au sens d’une concrétion) dans la surface picturale qui font que ces tableaux ne sont réductibles ni à une illustration, ni à une imagerie, ni à un commentaire. Chaque toile est le lieu d’expérimentations et d’élaborations toujours très circonstanciées qui font que ces peintures sont construites comme des sédimentations paradoxales d’un univers visuel mouvant.