PHOTO | CRITIQUE

Luminescence

PEtienne Helmer
@12 Jan 2008

Sous la profusion des couleurs et des formes du monde, quel est le cœur du visible? Dans «Luminescence», Yuji Ono restitue le chaos lumineux originaire dont procède toute photographie.

Sous la profusion des couleurs et des formes du monde, quel est le cœur du visible? Pas la lumière elle-même, toujours invisible, mais la luminescence: le pouvoir d’absorption ou de réflexion et de réfraction de la lumière par un corps non incandescent, c’est-à-dire qui n’est pas lui-même source de lumière. Dans «Luminescence», Yuji Ono présente ce processus fondamental comme le chaos originaire dont procède toute photographie.

Un espace sombre: murs noirs, jour tamisé; huit photographies de lustres, sans bougies ni ampoules, et leurs pendeloques de verre ou de cristal qui renvoient la lumière. Parler de noir et blanc serait inexact pour des images qui jouent plutôt sur les deux pôles de la luminosité: luminosité intense pour la lumière réfléchie par les facettes de verre ou de cristal, et luminosité quasi nulle pour la lumière absorbée dans l’espace alentour. L’ensemble dessine des tâches plus ou moins nettes selon l’orientation des pendeloques.

Or au bout d’un certain temps, ce ne sont plus les lustres que l’on perçoit, mais des tâches blanchâtres comme autant de galaxies lointaines dans l’univers insondable. Yuji Ono reconstitue donc le scintillement originaire du visible, que chaque photographie abrite comme sa source vive et secrète. Mais entre le lumineux et l’obscur, le rapport n’est pas d’opposition, il est d’intimité. De même pour les cadres, dont le noir laqué reproduit par sa brillance la luminosité contrastée des images, mais sur le mode de la superposition: le «blanc» à même le «noir», la lumière à même les ténèbres, comme si le visible n’était possible qu’au risque de l’invisible. Absolue ou absente, la luminescence menace toujours d’aveuglement: celui de l’éclat ou de celui l’obscurité.

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