Ramuntcho Matta
Ludicité
L’existence est une variable. C’est un fait. Parfois douce, cruelle, légère ou compliquée, elle est d’une mobilité avérée. Son caractère tangible est aussi incontestable. C’est un autre fait, on ne peut échapper à la réalité, à ses spécificités aliénantes : Ici comme ailleurs, quelque chose d’imprécis et de constant est à subir de toute façon.
C’est dans ce contexte à la Camus que Ramuntcho Matta a élaboré son projet. Puisqu’il est impossible de se soustraire à l’aspect vrai de la vie, sans en nier sa gravité autant en jouer, seul ou accompagné. Sortir d’une lucidité sombre pour pénétrer sans certitude une « ludicité » peut être plus clémente. La relation amoureuse, par exemple, est représentée dans la galerie par deux pièces en verre aux formes ventriculaires. Deux cavités dissociées qui selon leurs orientations révèlent un état, une humeur, un désaccord possible ou évident. Jouer à se dire les choses sans les dire. Aller au plus direct, éviter le laborieux pour révéler l’essentiel.
Il y a aussi le jeu des yoyos multiples. Un pour chaque doigt de la main. Ce jeu d’adresse consiste à faire monter et descendre simultanément des pièces en forme de trognon de pomme. Jeu quasi impossible où les notions d’habileté et d’efficacité, considérées comme nécessaires, obligatoires à priori, deviennent subitement superflues et sans valeur. Ici, c’est le plaisir dans la tentative et le contentement de faire qui deviennent les fondamentaux, moins ce qu’il en résulte.
Pour le jeu de la maladie, il faut envoyer des lames ciselées sur une poupée grossièrement confectionnée à l’aspect déjà fragile. Ces lames, qui portent la marque détournée d’un laboratoire pharmaceutique, apparaissent comme les médicaments d’un traitement dangereux, fatal. Ce qui est censé soigner finit inévitablement par tuer. Dans ce jeu, en mêlant au paradoxe l’injuste et le coupable, Ramuntcho Matta nous emmène peut être dans ce qu’il y a de plus intime en lui : La peur. Celle d’exister de souffrir puis de disparaître. La peur de ne faire que ça, de n’être que ça.
Cette crainte qu’il semble vouloir absolument extraire, il la tourne en dérision. Il la disperse dans ses jeux en espérant la rendre insignifiante.
Ramuntcho Matta ne veut pas rester dans le gris de la réalité. Il ne peut pas. La chose est trop douloureuse. Il doit aussi vivre ailleurs, dans l’absurde et l’ironie, un autre lieu de vie où momentanément tout est plus simple, plus spontané. C’est par le jeu qu’il s’y retrouve. C’est par ses créations qu’on le rejoint.