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Lucius Crassius

— Auteurs : Grégory Jarry (texte) et Otto T. (dessin)
— Titre : Lucius Crassius
— Editeur : Flblb (Poitiers)
— Date : 3e trimestre 2008
— Non paginé. Pages en bichromie.

Tout commence par un préambule : «Le savant qui fabriquait des voitures transparentes». C’est l’histoire loufoque d’un savant qui n’eut pas le temps de savourer sa dernière invention. Et pour cause, il meurt au début de l’histoire.
Il meurt, enfin presque. Il traîne le poignard qui lui traverse le corps, un poignard qu’un inconnu lui a planté dans le dos dès la première page. Mais comme tout inventeur son activité intellectuelle débordante l’empêche de s’appesantir sur son sort. Les inventions n’attendent pas, certes, mais ses délires jubilatoires le dévorent autant que ce satané poignard qui finissent par avoir raison de lui…
Grégory Jarry et Otto T. écrivent là une histoire qui se mord gentiment la queue et s’épanouit dans l’absurdité de la situation de ce personnage, déjà mort mais pas encore enterré.

Elle sert d’introduction idéale à Lucius Crassius, autre inventeur dans son genre, plutôt préoccupé par l’idée d’être un puissant parmi les puissants.
Et ceci passe par la cruauté.
Grégory Jarry et Otto T. reprennent le récit antique de la naissance de la chrétienté sous l’Empire romain. Avec son lot de martyrs, de fidèles, de prophètes et d’abjurations. Mais plutôt que d’en décrire le lent processus, ils clouent le bec à la belle frise historique comme Lucius le fait aux chrétiens.
Alors que les chrétiens assumaient leur non-abjuration en clamant un fier «Non possumus» (Nous ne pouvons pas), Lucius Crassius invente cette phrase imparable: «Ero si, potestis, facile est». Soit «Mais si vous pouvez, c’est facile».
Et le retournement de situation est immédiat. Rome «renaît» grâce à la géniale et prodigieuse rhétorique de ce Crassius.

Lucius Crassius c’est l’histoire de la genèse de ce «Ero si, potestis, facile est». C’est aussi une réinterprétation comme le duo d’auteurs les aiment reprendre l’Histoire et superposer à ses récits mythiques d’autres récits mythiques plus absurdes et presque plus convaincants que les premiers.

Le dessin d’Otto T. sert à merveille ces douces petites fables: des personnages tirés en quelques traits rapides, des situations à contre-champ de la narration et un décor juste et sans chichis. Qui a dit que l’Histoire était pénible à suivre ?

Grégory Jarry et Otto T., Lucius Crassius, Poitiers, Éditions Flblb, 2008.

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