Les bandes magnétiques sont récurrentes dans l’œuvre de Zilvinas Kempinas. Autopsiant de nombreuses cassettes vidéos, l’artiste les dépèce, tend leurs entrailles, les suspend, les déroule, les tresse jusqu’à parfois composer de sombres rosaces recouvertes de résine.
L’artiste, proche de l’art cinétique, utilise alors ces bandes bruts ou retravaillées afin de mettre en avant à la fois leur légèreté qui leur permet de suivre la moindre variation d’air, et leur brillance, grâce à laquelle chaque point de lumière se reflète avec une intensité particulière.
L’ensemble de l’exposition est un véritable paysage: tout s’articule autour de Pool, gigantesque œuvre centrale, bassin rayé dont les bandes sombres deviennent l’onde, reflétant la lumière du soleil, incarné ici par les néons blanc. Certaines bandes jaillissent des quatre angles du bassin et viennent s’accrocher au poutre de la verrière de la galerie, ondulant légèrement, branches feuillues stylisées à l’extrême.
Le temps est suspendu, son déroulement cyclique mais aléatoire est souligné par la lumière parcourant les bandes, vibrantes, tremblantes, soulevées dans un mouvement doux et incontrôlé. Un ensemble immuable marqué par d’infimes variations.
Si l’accent a souvent été mis sur l’aspect formel des œuvres de Zilvinas Kempinas, c’est également le concept de la mémoire que l’artiste interroge, au-delà du jeu sur le mouvement et la lumière. Ces bandes contiennent des images désormais impossibles à consulter, des films maintenant accidentés: des souvenirs aveugles puisque prisonniers d’un support illisible.
Et les oeuvres telles que le diptyque Deja Vu, ou Diagonals, placent le spectateur face à son propre reflet. Le visiteur se trouve alors lui-même découpé et stratifié en un ensemble de bandes de lectures dont on ne peut directement appréhender le contenu. Il se fond dans l’œuvre, seul son enveloppe extérieure et muette reste visible. La dimension métaphysique de l’œuvre de Zilvinas Kempinas est bien là : le jeu opéré par l’artiste avec les bandes magnétiques est finalement à l’image de l’humain, mouvant, léger, capable de prendre de multiples formes.
Si l’on peut parfois déterminer l’appartenance d’un individu à telle ou telle catégorie sociale, ou le rattacher à une origine géographique supposée, ces éléments sont autant de caractéristiques formelles illusoires: elles éclairent le contenant, mais non le contenu. Les bandes vidéo sont les instruments de cette métaphore.
Å’UVRES
— Zilvinas Kempinas, Deja vu (Part 1 of diptych), 2011. Contreplaqué, clous, bandes magnétiques, résine. 217 x 126 cm
— Zilvinas kempinas, Deja vu (Part 2 of diptych), 2011. Contreplaqué, clous, bandes magnétiques, résine. 217 x 126 cm
— Zilvinas Kempinas, Diagonals, 2011. Contreplaqué, clous, bandes magnétiques, résine. 118 cm
— Zilvinas Kempinas, Lucite, 2011. Bande magnétique, résine. 118 cm
— Zilvinas Kempinas, Phantom, 2011. Ligne de pêche à fusible transparent incorporé, clous. Dimensions variables
— Zilvinas Kempinas, Pool, 2011. Résine, bois et clous. 4470 x 747 x 35 cm
— Zilvinas Kempinas, Rosette, 2011. Contreplaqué, clous, bandes magnétiques, résine. 118 cm
— Zilvinas Kempinas, Straight lines and a circle, 2011. Contreplaqué, clous, fil de pêche, résine. 118 cm
— Zilvinas Kempinas, Zephyr, 2011. Aluminium peint, bande magnétique. 120 x 250 cm, 120 x 250 x 5 cm