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Luc Tuymans : Curtains – Reconstitution

Peintures sur fond de mur rose saumon, de photos d’actualité sorties de leur contexte. Vue de port (Shangaï;), tête de Mickey (Eurodisney), colonnade (Supreme Court), doigt levé (Imam), etc., autant d’emblèmes et d’allusions au monde contemporain que seul leur titre permet de situer.

— Éditeur : Frac Auvergne, Clermont-Ferrand
— Année : 2003
— Format : 21 x 26 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : non paginé
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-913323-64-2
— Prix : 25 €

Le monde invérifiable
par Cyril Jarton (extrait)

C’est dans [une] seconde salle que se trouve Curtains, le seul tableau présent. Un rideau de peinture verdâtre est uniformément étendu sur la toile. Aucune fenêtre, aucune issue n’est signalée. De petits motifs décoratifs, en forme de grilles, sont disposés à la surface et redoublent l’impression d’enfermement. Malgré l’austérité du motif et de la couleur, le tableau concentre toute la lumière qui ne fait que glisser sur les murales atones. Les autres peintures, blanches, rehaussées de gris, presque fantomatiques, sont des images de l’actualité, agrandies et dépouillées des principaux éléments signifiants qui pourraient situer trop immédiatement le lieu, la personne, la situation. À défaut d’une voix-off, d’un article ou de toute autre clef de lecture, il faut se concentrer réellement sur ce qui est présent — et surtout absent — de la représentation. À partir de ces minces indices, il faut construire notre propre récit. La peinture joue comme rideau, par soustraction. Elle renvoie le spectateur à sa propre intériorité, à sa solitude, à ses limites, mais aussi à sa puissance d’interprétation. Les fragments proposés ne constituent pas un puzzle dont il faudrait reproduire le motif à l’avance mais l’affirmation lumineuse qu’il n’existe aucune intégralité, aucune totalité, aucun bon ou mauvais scénario. Le réel est toujours hors champ. Le choix des images engage effectivement un ensemble de rapports qui fait sens pour le peintre mais il n’en dévoile pas l’enchaînement, justement pour nous laisser libres. Libres, mais aussi perdus, désarmés devant un univers faussement informé qui nous reste aussi étranger qu’au jour de la création.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions du Frac Auvergne)

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