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Louvre, Pauline Guélaud

Elisa Fedeli. Avec Marie-Laure Bernadac, vous êtes chargée de la programmation en art contemporain au musée du Louvre.
Dans l’exposition «Les musées sont des mondes», Le Clézio propose un cabinet de curiosités qui réunit les pays et les artistes qu’il affectionne. Quatre zones géographiques sont représentées (l’Afrique, le Mexique, le Vanuatu et Haïtï) dans un mélange qui ose la rencontre entre l’ancien et le contemporain.
Des travaux d’artistes occidentaux, notamment Camille Henrot, Bertrand Lavier, Hervé Télémaque, Jean-Michel Basquiat, viennent ainsi ponctuer l’accrochage. Qui a choisi ces artistes-là?
Pauline Guélaud. Le choix s’est fait conjointement entre J.M.G. Le Clézio et Marie-Laure Bernadac. Nous avons discuté avec lui de ses intérêts pour l’art en général. Puis nous lui avons fait un certain nombre de propositions par rapport à ce que nous connaissions et ce qui pouvait coïncider avec ses territoires littéraires.
Inviter Pascale Marthine-Tayou était pour nous une évidence car son travail est très lié au vaudou et en particulier à un certain nombre de sculptures que le Musée du Quai Branly nous a prêtées.
D’autres artistes ont été de véritables découvertes, comme l’artiste Bethsabée Romero que nous a présenté Angeles Alonso.

Quelles sont les propositions contemporaines qui émanent directement de Le Clézio?
Pauline Guélaud. Il y a quelques regards très précis, qui se déploient en pointillés dans l’exposition.
Les Low Riders par exemple: Le Clézio a tenu très fermement à ce que nous les invitions. Sa fille est spécialiste de ce mouvement, que nous ne connaissions pas du tout et qui a été créé par les Chicanos dans la banlieue de Los Angeles dans les années 1960. Les Chicanos ont commencé par abaisser la carrosserie de leurs voitures pour pouvoir rouler plus lentement et, au fur et à mesure, ils ont développé des technologies plus sophistiquées, alliées à des peintures. Cela est devenu une proposition artistique à part entière.
Les nattes de Charlotte wè Mantasuè, que nous présentons dans l’exposition, se retrouvent dans le livre Raga de Le Clézio. Charlotte viendra d’ailleurs le temps d’une soirée au Louvre pour conter des histoires de Pentecôte, en tressant.
Dans la partie de l’exposition consacrée au Mexique, on pouvait difficilement faire l’impasse sur Frida Kalho à qui Le Clézio a consacré un livre (Frida et Diego).
Enfin, originaire de Nice, Le Clézio attache beaucoup d’importance à Louis Bréa, peintre primitif du XVe siècle, dont de nombreuses peintures se trouvent dans les églises du comté.

Y a-t-il des points communs entre les différents travaux des artistes contemporains de cette exposition?
Pauline Guélaud. Ils partagent un rapport à l’anthropologie et au rituel. Chez certains, la référence à la statuaire historique est évidente. Par exemple, Camille Henrot donne un autre regard sur l’Afrique avec ses sculptures en durits (série des Espèces menacées).
C’est également intéressant de rapprocher le travail de Bethsabée Romero des Low Riders: tous deux utilisent la mécanique de la voiture et en ont fait un symbole de la consommation.
Mais les rapports entre les contemporains ne sont pas systématiques. Les points communs existent avant tout entre les oeuvres anciennes et les oeuvres contemporaines. Par exemple, le travail de Pascale Marthine-Tayou est proche dans ses techniques de la sculpture vaudou: on y retrouve la même façon d’utiliser les clous, ici des épingles.
Il y a tout un tissage entre l’histoire et les œuvres, comme le démontrent les peintures des primitifs haïtiens illustrant les épisodes de la révolution, ou celle de Jean-Michel Basquiat qui comporte les mentions «Haïti», «Bonaparte» et «L’Overture» en référence au premier gouverneur et à l’indépendance du pays.

Au terme de cette exposition, les œuvres des artistes contemporains qui y sont présentées entreront-elles dans les collections du Louvre?
Pauline Guélaud. Non, pas du tout, notre musée n’a pas vocation à avoir une collection d’art contemporain. Le principe des correspondances entre art contemporain et art ancien est motivé par l’histoire du musée. Du temps du roi ou de l’empereur, des commandes étaient passées aux artistes contemporains. Avec la création du Salon Carré et de l’Académie des beaux-arts, il y avait toute une actualité artistique. Mais à cette époque, il n’existait ni le musée d’Orsay, ni le musée du Quai Branly, ni le Centre Pompidou!
Nous essayons de revenir sur cette histoire-là mais nous ne conservons pas d’œuvres contemporaines. Sauf quelques décors pérennes (Kiefer, Morellet, Twombly) mais, dans ce cas, il ne s’agit pas de collection.

Quelles sont les futures orientations du Louvre en faveur de l’art contemporain?
Pauline Guélaud. Tous les ans, nous choisissons une personnalité et nous l’invitons à poser un regard nouveau sur les collections du musée. Après Patrice Chéreau, Umberto Eco, Pierre Boulez et J.M.G. Le Clézio, nous recevrons un autre «Grand Invité» en 2013….
Cette programmation a donné lieu à des expositions très différentes, dont l’intérêt est la transversalité entre différents domaines et différentes temporalités.
Avec «Les musées sont des mondes», c’est la première fois qu’un vrai espace muséographique (en l’occurrence la Salle de la Chapelle) est dédié à une exposition des Grands Invités.
Pour ne pas nous limiter au principe des Contrepoints, nous développons celui des cartes blanches. Après Michal Rovner, Wim Delvoye sera invité en mai 2012 à intervenir dans les collections du musée, en particulier dans le département des objets d’art, sous la Pyramide et dans le jardin des Tuileries. A suivre!

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