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Looping

Au sous-sol de la galerie, quelques minutes de vidéo suffisent à une masse en mutation pour faire sa révolution, sur fond sonore de bruits tremblés et d’emphase cyclonique. Le fond est blanc, la créature d’un noir de jais. L’animation en deux dimensions se déploie lentement, emprunte plusieurs formes, versatile, organique, angoissante. Le temps d’apercevoir, le temps de croire, que le modelé à peine reconnu est déjà autre.
Sporadiques, d’irréfutables forêts émergent de cet inconscient, créatures de l’imaginaire collectif évoquant les chaumières perdues de nos contes enfantins.
Des vignettes, injonctions semblant avoir été formulées par le chat du Cheshire d’Alice au pays des Merveilles, impérieuses, en appellent au vagabondage dans un monde en restructuration permanente: «Par là !», «Ici»….

La forme fluctue, indécise, affolant l’œil en attente d’un point d’accroche.
Quelle vérité de la matière, par essence impermanente ?

Ces bois noirs et fantasmatiques, abritant en leur sein de mystérieuses maisonnettes, se retrouvent suspendus à l’étage, immobiles plaques de plexiglas ajourées. Étranges ces ombres chinoises palpables qui ne sont la projection de rien….
L’ombre d’une de ces forêts en plexiglas est projetée sur le mur tandis que la lumière scintillante de boules à facettes parsème les murs et le sol de ses illusions argentées. La boucle absurde, une fois de plus, est bouclée: l’ombre de rien produit une projection illusoire.

De grands formats, d’encre et de crayon à papier, dépeignent ces territoires monstrueux, où «Le ciel et la terre ne se mêlent que lorsque la nuit tombe». Dessin psychédélique naïf où la sylve noire tranche avec les couleurs pastel de la nuit boréale, de monstrueuses mains, telles des esprits mous, s’échappent des maisons silencieuses.

De grises créatures exhalant leurs spores vertes hantent un autre tableau où des cactus s’égaillent et où de froides méduses, cubes roses avec des yeux, envahissent des bâtiments à la géométrie incertaine. «Devenir autre c’est peut-être simplement changer de forme», y lit-on.
Le dernier tableau, enfin, figure une tuyauterie détraquée où les racines des arbres s’entremêlent à des phrases en forme d’adage inachevé: «Le temps de se poser et de développer une théorie selon laquelle toute chose se régénère d’elle-même», «Où tout se mêle et se confond» ou encore «En général, le haut se situe au-dessus du bas mais en fait, tout dépend du point de vue».

Questionnements existentiels, donc, sur la forme. Et, qui mieux que les artistes pour se poser ces nécessaires interrogations, sur la matière, ses formes et ses illusions ?

De petites vignettes, type bande dessinée, montrent de facétieux artistes qui ont su, fort à propos, jouer avec la matière et ses mystères. Sur un fond coloré uni, un crayonné académique présente ces personnages atypiques: Damien Hirst, arguant que «tout ce qui brille n’est pas or» tandis que son crâne «For the love of God» lui rétorque, ironique: «C’est un point de vue. L’important c’est d’exister !»; l’urinoir de Marcel Duchamp, clamant que: «La matière importe peu. Seul le concept importe !» tandis qu’une des coulées de César s’insurge: «Ça te va bien de dire ça», etc.

Mais les formes également, autonomes, savent s’exprimer sur ce sujet par de doux aphorismes : «À bien y réfléchir l’informe est une forme en soi», «Entre un sentiment d’appartenance et une envie d’indépendance. Je préfère me fondre dans la masse» en sont quelques exemples.
«Je me demande…», énonce perplexe, une autre «Quoi privilégier… le fond ou la forme?»

Cette dernière interrogation n’a pas lieu d’être lorsque l’on considère le travail de Sylvain Ciavaldini. Ses Å“uvres se font et se défont, fondent en formes informes, le temps, au fond, de trouver un fond à cette histoire de forme. Ce n’est pas clair? C’est une histoire de forme…

Liste des œuvres
— Sylvain Ciavaldini, Série Prendre forme, 2010. Encre et crayon sur papier. 20 x 30 cm
— Sylvain Ciavaldini, Série Les artistes, 2010. Encre et crayon sur papier. 20 x 30 cm
— Sylvain Ciavaldini, Tout passe, rien ne reste, 2010. Encre et crayon sur papier. 156×156 cm
— Sylvain Ciavaldini, Looping, 2010. Encre et crayon sur papier. 150 x 200 cm
— Sylvain Ciavaldini, Le Ciel et la Terre ne se mêlent que lorsque la nuit tombe, 2010. Encre et crayon sur papier. 150 x 200 cm
— Sylvain Ciavaldini, À la dérive, 2010. Plexiglas, petit, moyen, grand
— Sylvain Ciavaldini, Inaccessible étoile, 2010. Plexiglas, boules à facettes, variable
— Sylvain Ciavaldini, Looping, 2010. Plexiglas, vidéo, 3 mn 43 s

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