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Livraison n°8. Traduire/ Translating

Le huitième numéro de la revue strasbourgeoise Livraison s’attache à travers plusieurs essais au concept de traduction, au sens de «transformations successives, ré-interprétations, relectures de couches de sens».

Information

Présentation
Coordonnateurs : Hervé Roelants, Stephen Wright
Livraison #8. Traduire/ Translating

Livraison, revue semestrielle d’art contemporain publiée par Rhinocéros, rassemble diverses réflexions et contributions d’artistes autour d’une problématique à chaque fois différente. Conçue comme un lieu d’exposition, la revue privilégie des interventions spécifiques dans son espace, en l’ouvrant à des questionnements et des propositions inclassées.

Le numéro 8 de la revue Livraison s’appelle Traduire. Rhinocéros, en tant que collectif, ne parle ni d’une seule voix, ni dans un seul langage. Contrairement aux collectes traditionnelles de la modernité, Rhinocéros ne procède pas d’un programme commun préalablement défini par un quelconque manifeste. En ce sens, Livraison, entre autres actions de Rhinocéros, peut être compris comme un lieu de confrontation de traductions, et cela à tous les niveaux : publication devenue — plus ou moins par hasard — bilingue, revue d’art contemporain dont de nombreuses contributions ne sont pas généralement perçues comme relevant de l’art, ré-interprétations graphiques, brouillage des catégories — chaque livraison est à la fois une revue, un livre, une exposition et son catalogue — une sorte de petite usine à différences. Rhinocéros a toutes les raisons de se poser la question de ce qu’implique le fait de traduire — puisque c’est en fin de compte l’essentiel de son activité.

Traduire est donc à prendre ici au sens le plus large : celui de transformations successives, de ré-interprétations, de relectures de couches de sens quelles qu’elles puissent être. Et cela inclut toutes les organisations de signes : les langues, bien sûr, mais aussi les images, les codes, les contextes, les connotations. Hervé Roelants et Stephen Wright, les deux «coordonnateurs» défendent d’emblée les conséquences radicales de cette conception de l’acte de traduire. Comme l’annonce l’éditorial, «nous sommes tous des auteurs responsables de l’état du monde, qui traduisons au fur et à mesure des configurations instables en d’autres, tout aussi instables, parce que traduites à leur tour» — remettant ainsi en question la figure même de l’auteur, de l’autorité. S’il y a bien des auteurs (artistes, écrivains, ou autres) dont les contributions forment la matière de la publication, ils sont tous non seulement traduits (d’une langue à l’autre, d’un système de signes à un autre) mais aussi traducteurs, en ce qu’ils repèrent, interprètent, reformulent et transforment des situations, des signes, des organisations, des matériaux préexistants. Cette approche brouille les séparations commodes entre artistes / auteurs d’une part, et spectateurs / lecteurs de l’acre, assignant à ces derniers un statut de co-auteurs (et donc de co-responsables) de l’état du monde.

En cohérence avec cette idée de relecture permanente, l’ensemble de la revue est organisé en boucle, s’ouvrant et se ferrnant (si l’on peut dire) sur une même phrase : «An artist who cannot speak English is no artist» («Un artiste qui ne sait pas parler anglais n’est pas un artiste»). Brodée sur une banderole en 1992 à Zagreb par l’artiste Mladen Stilinovic, cette affirmation a une résonance critique particulière dans les ruines de l’ex-Yougoslavie et face à l’impérialisme culturel et économique des Etats-Unis. Mais quand, en 2005, Jakup Ferri — un jeune artiste kosovar — la reprend, elle n’est plus qu’une constatation, même si l’artiste ne semble pas vraiment maîtriser l’anglais. Et cette même phrase, à nouveau citée sur la tranche d’une publication bilingue, développe encore d’autres paradoxes.

Le parti pris graphique de la revue peut être considéré comme une contribution en soi. Il est lui-même une nouvelle traduction (lecture/interprétation/écriture) du contenu de la revue. Bien qu’il y ait un certain nombre de textes, la revue ne comporte aucun signe typographique (excepté ceux qui sont déjà des images, dans les contributions de Senez et Cosic), si ce n’est de façon fantomatique, en surimpression transparente sur la couverture. Chaque texte a été retranscrit manuellement le transformant ainsi en image, en dessin. Livraison #8 n’est pas seulement une publication traitant de la traduction, c’est aussi, en soi, une traduction possible.

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