L’exposition Living Together, proposée par Claire Le Restif, réunit trois artistes qui mettent en scène, chacun à leur façon le thème classique de l’autoportrait : Florence Paradeis, Nathalie Talec, Franck et Olivier Turpin. Par la vidéo, la photo, le dessin, la sculpture ou la performance, ils nous livrent une représentation, non dénuée d’humour, du rapport qu’ils entretiennent avec eux-mêmes, avec leur monde intérieur, avec leurs préoccupations intellectuelles ou identitaires.
Empreintes d’une certaine gravité, les photographies de Florence Paradeis (née en 1964) se jouent du hors-champ généré par la présence de personnages ou d’objets soigneusement choisis par l’artiste : une balle jaune, prête à sortir du cadre, qu’une main essaye de saisir ; un homme à l’allure androgyne qui pose devant un intérieur à l’aspect très délabré ou bien une jeune femme qui allume une cigarette devant un paysage marin maussade. C’est donc par la métaphore que s’établit sa relation au monde. Les cadrages, qui laissent voir le détail avec une élégante nonchalance, accentuent l’aspect dramatique des mises en scène et confèrent à l’ensemble une présence assez énigmatique.
Nathalie Talec (née en 1960) présente des dessins réalisés à même les murs de la galerie, donc éphémères. Ce sont des autoportraits en couleur pleins de bonne humeur, proches de la tradition pop ou de l’illustration “sixties”, dans lesquels l’artiste adopte des positions parfois irrévérencieuses ou extravagantes. Le texte de la performance réalisée le soir du vernissage fait figure d’hommage aux artistes qui partagent symboliquement la vie de l’artiste. Le spectateur s’amuse à découvrir l’identité des artistes cités uniquement par leur prénom. (Avec Andy, c’est très celebrity ; avec Marcel, le musée a des ailes ; avec Robert, mal, vite mais faire ; avec Vincent, ça remue dans les champs ; avec Peter, le monde n’est qu’un leurre …) Il parle également du rapport de Nathalie Talec à sa création, de l’énergie nécessaire pour créer.
C’est sur un ton burlesque que Franck et Olivier Turpin (nés en 1964) mettent en scène leur vie de jumeaux. Depuis 1996, ils ont enregistré une trentaine de vidéos qui les présentent dans leur similitude à l’aide d’un système conçu spécialement: un anneau, une casquette à visière unique, des paires de bottes reliées entre elles. Ils utilisent maintenant deux personnages en bois, sommairement sculptés, Les Menteurs. Posés sur le sol de la galerie, ces pantins ressemblent fortement à deux Pinocchios tout juste façonnés par Gepetto. Dans un dessin animé projeté sur un mur de la galerie, ils servent, en une séquence courte et rythmée, à traduire les conflits gémellaires des deux artistes.
De façon parfois parodique, parfois grave, les trois artistes de Living Together nous livrent leurs rapports personnels et intimes avec la réalité, leur manière de s’accommoder avec la vie réelle.
Commissaire d’exposition
Claire Le Restif
Florence Paradeis
— 1. Sans titre, 2002. Tirage ilfoflex. 152 x 122 cm. Courtesy galerie in Situ, Paris.
— 2. Sans titre, 2002. Tirage ilfoflex. 55 x 70 cm. Courtesy galerie in Situ, Paris.
— 3. SOS, 2001. Tirage ilfoflex. 120 x 80 cm. Courtesy galerie in Situ, Paris.
Nathalie Talec
— 1 et 2. Sans titre, 2002. Dessins muraux à la gouache. Dimensions variables.
— 3. Living Together. Texte dit pendant la performance réalisée par l’artiste, le soir du vernissage et se trouvant sur une affiche éditée en 1000 exemplaires
Franck et Olivier Turpin
— Les Menteurs, 2002. Bois, 130. Courtesy galerie Alain Le Gaillard, Paris.