Bernard Plossu
L’Italie de Bernard Plossu
Né au Vietnam en 1945, nourri de la contre-culture américaine et de l’esthétique de la Nouvelle Vague, Bernard Plossu souhaitait devenir cinéaste. Ce cinéphile averti et passionné sera photographe. De 1960 à 1965, il fréquente la Cinémathèque où il voit les classiques de Dreyer, Bergman, Bunuel, Eisenstein, Bresson et bien sûr Truffaut, Godard, Jessua.
Il s’intéresse également au Néoréalisme italien et au western. Il apprend l’image à travers le cinéma. C’est en photographe atypique, inclassable qu’il trace ainsi depuis le début des années 1960 son parcours en solitaire, en marge du reportage, de la photographie plasticienne et des modes, «pour être, nous dit-il, de plain pied avec le monde et ce qui se passe.»
De part les origines italiennes de sa mère, Bernard Plossu est particulièrement attiré par l’Italie. Voici comment il en parle:
« Toute mon enfance, j’ai entendu ma mère parler de nos origines italiennes, j’entendais les noms de tante Dina et de Nana, mon arrière grand-mère. Puis un jour, au début des années 1970, je suis parti à Naples, à Rome et à Pompéi sous une pluie torrentielle: c’était magnifique.
A la fin des années 1970, j’habitais sur les hauts plateaux sauvages du Nouveau Mexique, et en revenant de temps en temps, très peu, en Europe, j’avais un besoin plus fort que moi d’aller en Italie, je ne sais pas pourquoi, peut-être pour marcher dans des rues verticales, alors que les paysages de l’Ouest américain que j’arpentais à pied étaient surtout horizontaux!
Et dès ce voyage à Rome en 1979, depuis les Etats-Unis, je n’ai plus jamais cessé d’aller tout le temps en Italie: un besoin, une passion: je m’y sens bien. Tout colle, l’ambiance, la peinture, la nourriture, les lectures (je ne lis à 90% que des auteurs italiens depuis des années !), je m’y sens «chez moi»: retrouvailles avec les racines familiales maternelles?
Je vais partout, dès que possible, des montagnes du Piémont par tous les temps, au sud, au centre classique, de Cuneo à Bari, de Turin à Palerme, de Bologne à Cagliari et de Pitigliano à Alicudi! Tout m’attire, et je photographie partout, à pied, en auto, en train, les paysages, les gens, les ambiances, l’architecture, le présent, le passé, le futur, la poésie…»
Pour ce cinéaste de l’instant donné, photographe du mouvement, la photographie est le moyen d’arrimer la pensée à une connaissance personnelle et physique du monde. Rencontres fortuites, stratégies furtives et rapides des sentiments… Bernard Plossu nous montre à quel point on saisit le monde à travers le corps et le corps à travers le monde.
Bernard Plossu a tracé sa propre voie, construit sa propre grammaire photographique, fidèle à ses premières amours, refusant l’anecdote du vécu et le totalitarisme des inventaires. La photographie devient l’index de quelque chose de proche et d’ouvert à la fois, d’intime et d’impersonnel se faisant militante d’une démocratie sensorielle, où l’homme, la matière, le culturel et l’organique se juxtaposent.