Morton Feldman, Heiner Goebbels, Ulf Langheinrich
Listen profoundly
Morton Feldman, Laurie Anderson, La Monte Young, Terry Riley, tous musiciens, figurent dans la collection du musée avec des Å“uvres majeures. Dès sa création en 1984, le Musée d’art contemporain de Lyon a en effet souhaité incarner ce lien privilégié entre le son et l’espace.
Morton Feldman, Heiner Goebbels, Ulf Langheinrich sont trois artistes en quête de sons et de sens, trois remarquables incantations, toutes vouées à sonder la profondeur de ce qui est donné à voir et à entendre. La formule «Listen profoundly», qui relève autant de l’injonction — invitation à une expérience sonore, spatiale et temporelle — que de la quête spirituelle — questionnement de l’écoute —, sera le point de convergence des trois installations présentées dans le cadre de cette exposition.
Ces deux mots figurent, entre guillemets, sur la douzième planche du recueil XXX, Anecdotes and Drawings de Morton Feldman. «Improvisations» sur le thème du «futur de la musique locale» inspirées notamment du travail de Mark Rothko, ces trente planches, acquises par le Musée d’art contemporain de Lyon en 2003, constituent le premier volet de ce triptyque. Cela devient, sous le crayon de Morton Feldman, une référence à l’imploration qu’Alban Berg faisait à l’adresse de ses élèves; un appel à l’immersion, à l’écoute profonde de la musique en particulier, et de l’art en général.
Sur la même planche se trouve deux croquis: l’un carré et l’autre rond, qui ne sont pas sans évoquer les deux fenêtres du temple bouddhiste de Genko à Kyoto, source d’inspiration de Genko-An, l’installation visuelle et sonore réalisée par Heiner Goebbels. Les deux fenêtres en question donnent sur le même jardin, mais les perturbations perceptives provoquées par leurs formes respectives — la fenêtre carrée est dite «fenêtre de confusion» et la ronde «fenêtre d’éclaircissement» — sont l’occasion pour le compositeur de décliner la formule de Gertrude Stein, «To see something / To hear something» en jouant sur le hiatus entre expériences sonore et visuelle d’un même matériau dans deux espaces distincts.
Ulf Langheinrich viendra quant à lui apporter un éclairage complémentaire sur la dimension immersive du propos. Travaillant sur l’illusion numérique, il s’attache à mettre en avant cette «beauté spécifique à la monotonie mathématiquement rigoureuse, propre aux contenus créés et traités par voie numérique», en mêlant dans son creuset informatique, d’une part des enregistrements de vagues sur les rivages d’Accra, au Ghana et, d’autre part, des ondes issues de formules relatives à des systèmes de particules et de calculs de bruit fractal.