Avec la pièce chorégraphique Monkey Mind (2017), la chorégraphe argentine Lisi Estaras (Cie les ballets C de la B) présente un spectacle pour cinq danseurs. Sur des sons percussifs, entre pulsations cardiaques et Bruitisme, composés par Bartold Uyttersprot (Cie les ballets C de la B), Monkey Mind explore le syndrome de Down par la danse contemporaine. Trois des danseurs sont porteurs de ce syndrome (mutation génétique autrement connue sous le nom de trisomie 21). Deux des danseurs ne le sont pas. Le titre de la pièce, Monkey Mind [esprit-singe] est une locution anglaise tirée d’un concept bouddhique. Celui d’un esprit sans repos, ne cessant de cavaler d’une pensée à une autre, comme un singe bondissant de branche en branche. Placé sous le signe de la rencontre, y compris avec la musique d’Arvo Pärt (Tabula Rasa – Silentium), Monkey Mind interroge ainsi la possibilité d’une union des pensées.
Monkey Mind de Lisi Estaras et Platform K : chorégraphier les vitesses de la pensée
Chacun dans sa bulle mais sous le regard de l’autre, parfois oppressant, les individus vivent, se rencontrent, échangent. La communication connait des sommets, comme des abîmes. Parfois le courant passe, parfois non. Le fil de la pensée se déroule, s’enroule, peut faire larsen (je pense, que tu penses, que je pense, que tu penses, que je pense, ad. lib.). Les cinq danseurs de Monkey Mind — Fernando Amado, Hannah Bekemans, Anna Calsina, Kobe Wyffels et Nicolas Vladyslav — composent ainsi un espace-temps commun ou s’accorder et se désaccorder. Par le corps, les rythmes, les regards. Pièce polyglotte, s’y glissent des textes en flamand, en espagnol. Vivre le monde à travers un monkey mind, c’est peut-être comme vivre dans une société au ralenti. Ou devoir regarder le film de la vie, dans son intégralité, au ralenti. Expérience angoissante, tout comme peut probablement l’être celle d’un perpétuel visionnage en accéléré.
La danse comme medium constructif : pour une exploration en acte de la confiance
Pièce énergique, Monkey Mind jongle sur les traductions. Conjuguant ainsi densités fulgurantes et moments de ralentissements. Grâce notamment à la dextérité des cinq danseurs. À savoir Fernando Amado, Hannah Bekemans et Kobe Wyffels de la Platform K, et les danseurs professionnels Anna Calsina et Nicolas Vladyslav d’autre part. Quand danser implique un contact physique, avec des portés par exemple, la confiance joue un rôle important. Avec Monkey Mind, Lisi Estaras et Platform K signent ainsi une pièce où cette confiance, jamais acquise, se laisse apercevoir. La peur de l’autre, de la blessure qu’il peut infliger, génère un stress pouvant prendre les formes de gestes répétitifs. Mouvements des mains, balancements… Toute une rythmique pour remettre de l’ordre, de la régularité, dans un chaos hostile. Entre moments de repli et moments de détente, Monkey Mind livre une exploration, en acte, de l’intuition. Pour un spectacle drôle, engagé, intelligent.