DANSE | SPECTACLE

DansFabrik | Ah / Ha

13 Mar - 13 Mar 2018

Avec Ah / Ha, la chorégraphe Lisbeth Gruwez et le compositeur Maarten Van Cauwenberghe (Cie Voetvolk) livrent une pièce pour cinq interprètes. Une saisie à vif du rire, comme phénomène physique et psychique intense, capable d'inclure et d'exclure. Une plongée dans l'hilarité, entre joie et intoxication.

Longtemps, les sciences sociales et l’anthropologie se sont demandées si le rire était une spécificité humaine. Aujourd’hui, il est admis que les rats rient lorsque chatouillés. Mais le rire demeure une forme d’expression un peu énigmatique. Avec Ah / Ha, La chorégraphe Lisbeth Gruwez et le musicien Maarten Van Cauwenberghe (qui forment la Cie Voetvolk) s’emparent du rire. Hilarité outrée, la pièce Ah / Ha, pour cinq interprètes, plonge dans ce que le rire peut avoir de bizarre. Pour Henri Bergson, le rire avait notamment fonction de régulateur social : rappel à l’ordre face à des comportements jugés inappropriés, il venait sanctionner le déviant. Avec Ah / Ha, le regard se retourne : car ici les rieurs deviennent l’élément de bifurcation grotesque.

Ah / Ha de Lisbeth Gruwez et Maarten Van Cauwenberghe : la danse du rire

Presque comme des hyènes, cinq personnages énigmatiques se réunissent sur scène, dans un espace-temps indéterminé. Réunis par le rire, qui semble remplacer le langage, les personnages d’Ah / Ha oscillent entre fou-rire et rires fous. Soubresauts des corps, sourires hilares et yeux exorbités : le rire chorégraphié inquiète. Effet d’entraînement collectif, il secoue les corps et les déchire, rassemble les protagonistes en un groupe épais. Il y a de la bestialité, du dionysiaque ogresque dans la célébration de ce rire. Et plus la chorégraphie plonge dans la mécanique physique et psychique du rire, plus une forme de plaisir cruel affleure. Comme dans le film Les Harmonies Werckmeister (de Bela Tarr) : quelque chose semble s’emparer des corps, des esprits : une mécanique implacable. Une forme de folie collective, capable de s’auto-alimenter. Une intoxication communicative, tel un fou-rire.

Le rire comme élément physique et psychique communicatif : de corps en corps

Élément social énigmatique, tour à tour réjouissant ou stigmatisant, le rire transgresse. Soit qu’il s’élance hors des circuits tracés pour mieux rattraper au lasso tout ce qui tente de bifurquer… Soit qu’il explose de manière inappropriée, comme prélude à la crise de nerf (le fameux rire des enterrements)… Phénomène physique et viral, il passe rarement inaperçu. Le corps gigote, hoquette, trompète, pleure, rougit, transpire… Allant parfois même jusqu’à uriner involontairement. Avec Ah / Ha, la chorégraphe belge Lizbeth Gruwez plonge ainsi dans les émanations déconcertantes du corps qui rit. Via cinq personnages en proie à une union aussi forte que dangereuse. Et modelant ce ciment social à la fois communicatif et exclusif (capable d’exclure), la pièce Ah / Ha sidère les spectateurs. Un spectacle intense, sonore, avec lequel, une fois de plus, la Cie Voetvolk plonge dans la chair des tensions humaines.

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