ART | CRITIQUE

Liquid Diet and Related Works

PNicolas Bauche
@12 Jan 2008

Les murs de la galerie Ghislaine Hussenot s’ombrent de toiles sataniques, se maculent de noir et de pourpre. Vampires, diables et damnés… l’exposition «Liquid Diet and Related Works» de Mike Kelley poursuit la réflexion plastique sur la création et le mal.

Les agendas culturels sont-ils vraiment hasardeux? Alors que Los Angeles gagne ses galons de capitale artistique au Centre Beaubourg, Mike Kelley, plasticien ayant élu domicile en Californie, s’enhardit jusque chez Ghislaine Hussenot. Les murs de la galerie s’ombrent de ses toiles sataniques, se maculent de noir et de pourpre. Vampires, diables et damnés y riboulent des yeux, sourient et contemplent les spectateurs effarés. Une annexe transylvaine, rue des Haudriettes? «Liquid Diet and Related Works» reluque du côté de l’antéchrist, distillant le malaise à l’envi. La dernière outrance du trublion des seventies?

Alors que nos oreilles bourdonnent des roucoulades d’un crooner américain, on pénètre dans ce qui ressemble, à s’y méprendre, à une salle des fêtes. Les murs d’un préfabriqué se hissent au centre de la pièce pour protéger une tablée des grands jours. Un festin à la bonne franquette: une nappe en papier, festonnée de trèfles verts, des jerricanes de bière phosphorescente à chaque bout et des verres pour tous les assoiffés. Le breuvage alcoolisé croupit déjà dans quelques chopes, abandonné aux méfaits d’une pourriture laiteuse. La fête doit être finie depuis un sacré bout de temps ! Retardataire sans manières, le spectateur n’a plus qu’à promener son regard alentour, entre les décorations de table -des lutins irlandais-, et les guirlandes pailletées.

Accrochés en hauteur, trois écrans diffusent en boucle la même vidéo. Les filtres divers — sanguin, vert et ocre —, voilent des images difficilement discernables compte tenu de la lumière crue du filmage: on y repère quand même deux hommes au look de Jésus Christ (des disciples? Saint Patrick? des hippies?) emprisonnés.

Au fil d’une douzaine de toiles, Mike Kelley multiplie les références mystiques. Un glossaire d’images inquiétantes: le monstre du Loch Ness, les vampires et autres suceurs de sang nocturnes se sont faits tirer le portrait. On frissonne un brin devant un Dracula souriant, serti de têtes de mort et de diables rougeoyants. Des phallus turgescents se transforment en de monstrueux reptiles monoculaires tandis que des croix gammées se hérissent de poils, développant une vie biologique propre. Gloups ! Les icônes du mal nous encerclent…

Mais on est peut-être sauvé. Deux œuvres jouent avec la tradition du suaire divin. Une pièce d’étoffe laineuse, épinglée au pourtour, ne montre de trace sainte qu’une trame salie par le temps alors que la seconde découvre un masque noir, où la représentation rudimentaire des traits trahit l’absence du sacré. Dieu est bel et bien mort !

En suivant de peu Justin Lieberman dans les locaux de Ghislaine Hussenot, l’exposition «Liquid Diet and Related Works» poursuit plus loin la réflexion plastique sur la création et le mal. En désertant le monde, le Bien n’a pas laissé les artistes sur le carreau. Mais là où Lieberman faisait preuve d’intuition sublime, Kelley semble appliquer une méthode pavlovienne. Le constat n’en est que plus amer…

English translation : Rose-Marie Barrientos
Traducciòn española : Maite Diaz Gonzàlez

Mike Kelley
— Liquid Diet and Related Works, 1989/2006. Bois, métal, aluminium, fer forgé, peinture acrylique et au vernis, vêtement, boue, céramique, verre, plastique, liège, fûts de bière, 3 Dvd, 3 lecteurs Dvd, 3 écrans Tv Lcd, câbles, 3 télécommandes, équipements informatiques, transformateur électrique. 243.84 x 386 x 731.52 cm.

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