Pour commencer l’année avec un peu de fantaisie avant de replonger dans le chaos du réel, voici L’Histoire du soldat (2019). Une pièce chorégraphique pour trois interprètes et un récitant — le chorégraphe lui-même, Lionel Hoche. Spectacle tourbillonnant, L’histoire du soldat mobilise danse, théâtre, musique, vidéo, cirque, arts plastiques… Déployant ainsi tous ses atours pour enchanter les spectateurs (dès 6 ans). Au rythme de la musique d’Igor Stravinsky, cet opéra centenaire retrouve, avec Lionel Hoche (Cie Mémé Banjo), des couleurs très actuelles. Mimodrame (théâtre musical sans chanteur), L’Histoire du soldat embarque les publics dans son périple. Celui d’un soldat qui, rentrant au pays, croise sur sa route le diable. Charmeur, celui-ci lui propose un marché : son violon en échange d’un livre capable de prédire l’avenir. Séduit, le soldat accepte. Sa fortune acquise, il finira néanmoins par tout perdre pour retrouver son violon et conquérir le cÅ“ur d’une princesse.
L’Histoire du soldat de Lionel Hoche : entre danse, cirque, théâtre et mime (dès 6 ans)
Sur scène, les trois personnages (le soldat violoniste, le diable et la princesse) évoluent dans un immense paysage vidéo. Les deux danseurs (Vincent Delétang ; Emilio Urbina) et la circassienne (Anne-Claire Gonnard) jouent au sein d’un dispositif scénographique opérant le déplacement. Les paysages changent, tandis que les personnages demeurent sur cette même scène. Comme dans les films où les conducteurs tournent le volant sur fond de paysages projetés, pour faire comme s’ils étaient dans une voiture en marche. Tandis que le récitant, Lionel Hoche, joue aussi les accessoiristes. Lisant à la fois le texte de Charles-Ferdinand Ramuz, tout en intervenant sur le plateau lorsque besoin est. Tenant ainsi le milieu entre un dispositif d’énonciation invisible, et la mise au jour des ficelles du théâtre. Dans une mise en scène joyeusement rock’n roll, où le diable s’habille en chemise à fleurs et où la princesse voltige dans les cordages.
Un conte faustien contemporain : relecture endiablée du mimodrame d’Igor Stravinsky
Qui tire les ficelles ? En définitive, le diable, peut-être. Un diable qui joue avec les artifices, pour mieux sculpter des espaces factices et imbriqués. Théâtre de marionnettes, mime, projections vidéos… L’Histoire du soldat actualise des thèmes chers au fantastique. Le pacte faustien d’un homme qui vend son âme (son violon) au diable. S’égarant dans un monde qui est presque le sien, sans être le sien. Le monde de l’Unheimliche — de l’inquiétante étrangeté. Où les choses sont presque ce qu’elles prétendent être, mais dans un léger décalage qui rend méconnaissable tout ce qui devrait être familier. Comme le soldat rentrant au pays trois ans plus tard, mais qui, contrairement à Ulysse, n’est reconnu de personne. Scénographie colorée, L’histoire du soldat de Lionel Hoche dessine trois personnages distincts. Entre danse et cirque, leur périple n’en finit pas de rebondir et voltiger. Pour une pièce vive, où l’inquiétude se fait poétique.