Rémi Guerrin
Limons
Rémi Guerrin a commencé la photographie en travaillant avec des photographes sous forme d’ateliers ou de stages. Dans les années 1990, il se met à explorer des lieux nouveaux. Lors de ses déplacements en Andalousie, à Lugano, à Liverpool, au Vietnam, à Marseille, il commence à utiliser différents outils photographiques comme le sténopé, la box, etc.
Il investit également sa région natale où il saisit les paysages du bassin minier du Nord de la France et, plus récemment, le littoral. Il se compose un vocabulaire photographique en cherchant à établir une relation personnelle à la matière des images, à leurs processus de fabrication, aux gestes et à la précision de ces actes répétés.
Il définit son approche comme sensible et, où le corps, son propre corps, tient une place centrale. Il s’intéresse aux espaces de vie, au rapport entre les êtres et les lieux. L’artiste fabrique son propre appareil. Il le tient sans scruter, sans viser; il se pose simplement dans l’espace avec les sujets de son travail. Les techniques photographiques sont réduites à l’essentiel lors de la prise de vue. Instinctivement, Rémi Guerrin mesure la lumière, aborde l’ombre par une sensibilité accrue de son corps qui reçoit l’image.
Ses photographies encadrées sont présentées par ensembles (souvent des dytiques ou triptyques) dans une scénographie ouverte. Aucune série photographique préétablie ne s’en dégage même si des corpus peuvent être identifiés: la présence du végétal, l’enfance, des lieux de vie et de loisirs, le jeu, des espaces ouverts ou, au contraire, construits et percés par la lumière, la profondeur, etc. Le format de ces images est identique à celui des négatifs car il réalise des épreuves pigmentaires par contact. La présence du papier apporte une réelle texture à l’image finale.
De l’ensemble se dégage une subtilité dont l’origine précise est difficile à identifier. Du rapport entre la lumière, les textures des surfaces, des lieux et/ou des espaces, et même parfois les gestes des personnes ou simplement leurs postures, émane une grande intimité. Aussi, la lenteur des procédés de fabrication se ressent dans les photographies que le spectateur découvre. Quels que soient l’année, le lieu des prises de vues ou le sujet, l’artiste arrive à transmettre dans chaque image le contact avec le vivant dans l’expérience vitale des espaces, faisant de son œuvre forme un tout cohérent.
«Déterminer la mémoire et son impact; le territoire est prétexte à études. Le lieu est aussi un endroit primitif, un espace de jeu, de récréation. Tout lieu peut être vu ainsi. Expérimenter le rapport à l’espace par la trace, la cicatrice, la marque. Une temporalité spatiale perturbée par un décalage. Changer de perspective, se déplacer lentement. Aller au plus profond de l’image, au cœur de sa structure, au centre de son identité. Les procédés primitifs que j’utilise (cyanotypes, tirages au charbon) me permettent de rendre plus abordable, plus visible ce que je ressens. Travailler au rythme des saisons, en questionnant le paysage comme présence, appréhender l’échelle des choses en inscrivant la place et la trace de l’homme dans son contexte territorial, arpenter, explorer ce qui est fragile et presque imperceptible.» D’après un texte de Pia Viewing