PHOTO

Limit’ Hip Hop

Parfois, on a l’impression que la critique ne sert à rien. Ou à pas grand chose. Qui la lit encore de nos jours ? Qui la respecte un tant soit peu ? Les attachées de presse ne s’empressent plus, en tout cas, de la dorloter, comme au bon vieux temps du support papier. Les « médias » la payent avec des cacahouètes, au lance-pierre, préférant l’échange de bons procédés, l’allocation d’avantages en nature plutôt qu’en espèces sonnantes et trébuchantes… Car on a parfois l’impression de radoter lorsque, par exemple, on met en garde les organisateurs sur la composition d’une soirée. L’ordre d’apparition des artistes ne doit pas obéir à des critères extra-artistiques (diplomatiques, pratiques, politiques) mais à un sens du spectacle découlant d’ailleurs du simple « bon sens » — une des règles étant qu’il finisse en beauté : c’est la dernière image du show que garde en mémoire le public.

C’est parce qu’on aime le hip hop qu’on a cette exigence. Limit’ Hip Hop a juxtaposé trois pièces n’ayant rien en commun, ce qui n’est pas bien grave mais, ce qui l’est plus, d’un niveau inégal, techniquement, professionnellement et esthétiquement parlant. On a achevé (si l’on peut dire) la soirée avec Le Blanc entre les mots de la Cie de Danses en l’R, trois collégiens attardés en leur cour de récré, non aguerris aux dures lois du spectacle. Le danseur est, certes, excellent, souple, aérien, agile mais il ne peut, à lui seul, assurer le show. Ses deux partenaires, au lieu de le motiver, cassent l’ambiance à chacune de leurs interventions intempestives. L’un dit des vers de mirliton ressemblant aux mauvais « poèmes » slam (mais y en a t-il de bons ?). Par intermittences, les textes sont donnés en créole, ce qui les bonifie, les rend plus suaves et les réduit (à nos yeux, et même à nos oreilles) à du pur signifiant. À de la musique qui, comme le hard-rock, adoucit les mœurs. Si tout le monologue avait été dit ainsi, la pièce y aurait gagné.

Puis, sans que personne ne l’ait vraiment demandé, ou mérité, Aurélien Kairo, membre du gang des Lyonnais (plus redoutable en danse que tous les autres parrains du banditisme), entre en scène cahin-caha, que hinc que hac, tant bien que mal. Précisons que son travail s’intitule J’arrive !. Et il ne nous lâchera plus le temps d’une, et même de plusieurs, chansons – des succès de Brel. Le chanteur était démodé de son vivant, comme, du reste, feu Marceau, à qui le danseur a emprunté quelques routines. La prestation de M. Kairo a, du coup, quelque chose de rétro qui, au lieu de rassurer, inquiéterait plutôt. Malgré le talent de l’auteur-compositeur néo-expressionniste belge, on ne voit ni l’urgence ni la nécessité d’illustrer des standards auxquels d’autres (Béjart, pour ne pas le nommer, une des sources d’Aurélien) s’étaient déjà « attaqués ». Salah, la référence en matière de pantomime hip hop, n’est donc pas menacé par la petite entreprise. Comme on l’a écrit à propos des Ch’tis, il manque 400 gags, soit une année de travail, pour que la chose soit réellement comique. Il ne suffit pas de cabotiner ou de s’épancher sur scène, de grimacer, d’être crispé/crispant pour convaincre. Ayant fréquenté Accrorap et Käfig, le jeune gens a de la technique à revendre. Mais il manque d’audace formelle. Cela viendra. Avec le temps, comme disait l’autre…

Leela Petronio et la Cie Hip Tap Project ont donné Répercussions, qui est une version courte, mais pas du tout « light », de Tapage nocturne dont on avait vu une belle mouture en temps et heure — in good time, comme disent les jazzmen et jazzwomen. Malgré quelques détails encore à régler (le rapport au flamenco, à l’état d’esquisse, le numéro de percussion corporelle, applaudi mais perfectible, le répertoire monotone et bossanovesque du guitariste qui, par ailleurs, a bien assuré), le métissage des claquettes avec d’autres expressions (dont, bien sûr, le hip hop) prend ici tout son sens. La parole est justement dosée, les photos arrivent au moment voulu. La science de Leela s’impose dans ses solos de claquettes, ses duos avec les deux danseurs de hip hop qui sont du niveau international, et ses mouvements de chorus line vivement enchaînés. Pas de temps mort, pas de répit, pas de lésine. Du don, de la joie, de l’énergie. Et la découverte d’un grand, dans tous les sens du terme, du hip hop : le jeune Montpelliérain Virgile Dagneux dont on reparlera.

Lien

www.rencontresvillette.com

Horaire : 15h

Répercussions

Leela Petronio. Cie Hip Tap Project

J’arrive !
Aurélien Kairo. Cie De Fakto

Le Blanc entre les mots
Éric Languet. Cie Danses en l’R

AUTRES EVENEMENTS PHOTO