Mohamed Bourouissa, Alberto Garcia-Alix, Paul-Armand Gette, Camille Henrot, Carsten Höller, Pierre Leguillon, Claude Lévêque, Hilary Lloyd, Christodoulos Panayiotou, James Richards, Camille de Toledo
L’Image Pensée
Exposition conçue par Donatien Grau
Sept paragraphes sur l’image
L’image pense. Et l’image est l’expression d’une pensée. Cette pensée n’est pas nécessairement intellectuelle — elle peut être sensorielle, personnelle, intime, même. Cette exposition constitue une tentative d’explorer les formes de pensée dont l’image est le témoignage, le réceptacle, et la source. Rassemblant les contributions de onze artistes, issus de contextes chronologiques et géographiques différents, elle présente la communauté qui se fait jour, au cœur de l’art, dans le traitement de l’image.
L’image est une mémoire. Elle manifeste, par son existence seule et sa sélection dans l’exposition, l’aspiration de chacun des participants à préserver ou à examiner un moment du temps, dont ils savent la fragilité et la très profonde beauté. En ce sens, elle figure une relation intime et puissante au déroulement de la vie. Et elle entre en dialogue, dans le jeu et l’impertinence, avec les interrogations de l’Histoire.
L’image est une représentation. Elle re-présente une réalité, qui s’est signalée aux artistes comme matrice de leur création. En la distinguant, ils l’ont anoblie, et l’ont fait entrer dans un autre monde, lui accordant un statut distinct. Souvent, l’objet de la représentation est considéré comme de peu de dignité. Son entrée dans ce domaine même change la donne, et constitue, par sa réalisation, un symbole de la transformation du réel par l’opération alchimique de l’art.
L’image est un examen de cette représentation. Elle ne se prend pas au sérieux — au sens fort qui appartient à chaque terme: elle ne se prend pas — elle ne se laisse pas prendre, elle ne se laisse pas saisir — au sérieux, avec évidence, et sans qu’un questionnement soit possible. Et si elle se prend elle-même, au jeu du miroir, l’opération ne se fait pas sans distance, sans que soit remise en cause son apparente immédiateté.
L’image est une fiction. Elle se sait inventée, forgée, qu’elle l’ait été par les artistes eux-mêmes, par d’autres dans la capture de leur iconographie, ou ressaisie par les artistes dans des archives qu’ils explorent, elle sait qu’elle est fausse, et cette fausseté même lui donne davantage de crédit. Comme elle est une fiction, elle est aussi un discours, et il appartient à chaque artiste de le rendre perceptible de chacun.
L’image est une émotion. Cette émotion est celle qu’a ressentie chaque artiste en la découvrant pour la première fois, ou en concevant la mise en relation entre elles toutes. Elle est une émotion en chemin, qui ne s’arrête pas, suit la vie, jusqu’à ce que soit atteint un sentiment d’achèvement. Dans le diaporama, ce cheminement incessant se trouve sans cesse exposé, offert à un autre voyageur, qui contemple l’œuvre de l’art.
L’image est une évidence imposée. Alors que se succèdent au regard les strates continues qui la composent, elle semble, dans sa diversité, constituer une unité, une parole cohérente. Or le décalage conduit à songer un instant que cette évidence n’a rien de naturel. Ce moment d’illusion est celui du miracle rendu un instant, par elle, possible.