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L’Image d’après. Le Cinéma dans l’imaginaire de la photographie

Le superbe catalogue de l’exposition de la Cinémathèque approfondit le propos des photographes invités à réfléchir sur les rapports de la photographie au cinéma, entre temps fixé et flux des images.

Information

Présentation
Diane Dufour, Serge Toubiana
L’Image d’après. Le Cinéma dans l’imaginaire de la photographie
 
Le cinéma dans l’imaginaire de la photographie, introduction de Serge Toubiana
« L’image d’après» est une expression employée naguère par Henri Cartier-Bresson pour définir le cinéma, à la différence de la photographie. Selon HCB, le cinéma c’est toujours ce qui vient après : moins l’image vue ou projetée sur un écran, que celle qui lui succède, prise dans le défilement. Image fixe versus image mouvement. Au cinéma, l’image court toujours après une autre. À peine apparue, elle doit déjà tenter de faire oublier celle qui précède. Quant à la photographie, elle est cet instantané, ce «moment décisif» saisi au vol, dans son élan, dans son incomplétude même. Un prélèvement de la réalité, qui en dit la vérité à l’instant volé : un vingt-quatrième de seconde. Tandis que le cinéma, comme chacun sait, c’est vingt-quatre images par seconde.
Cette manière de définir et de délimiter les territoires spécifiques de chacune des deux pratiques artistiques paraît justifiée. Ce jeu de comparaison et de différenciation est sans limites. On pourrait résumer en disant que photo et cinéma peuvent faire bon ménage, à condition de ne pas empiéter sur le terrain de l’autre. À chacun son aire de jeu.
Nous sommes partis d’une autre hypothèse, consistant justement à mettre en scène la relation entre ces deux arts «visuels»: la photographie et le cinéma. Pour éviter tout malentendu, il ne s’agit pas d’une exposition de photos de tournage (nombreuses, souvent sublimes), prises au fil des ans par les photographes de Magnum. La question qui est à l’origine de cette exposition est celle-ci: entre Photographie et Cinéma, existerait-t-il un «entre-deux», une zone imaginaire et incertaine où les photos et les plans viendraient co-exister, se toucher, se jauger, pourquoi pas : rivaliser, pratiquer une sorte de relation esthétique incestueuse ? Non sur le mode de la rivalité mimétique, mais celui de la confrontation amicale, de l’échange de vues. Ne pourrait-on pas imaginer un monde hybride, où les deux «genres» viendraient en quelque sorte mêler leur sort respectif, dans une sorte de dédale ou de parcours d’images, les unes fixes, les autres en mouvement, en mettant en acte ou en jeu cette porosité entre deux arts, éloignés sinon rivaux?
C’est le pari que tente cette exposition «L’Image d’après», conçue à l’occasion des soixante ans de Magnum Photos. La question a donc été posée à dix photographes : Abbas, Antoine d’Agata, Bruce Gilden, Harrg Gruljaert, Gueorgui Pinkhassov, Gilles Peress, Mark Power, Alec Soth, Donovan Wifflie et Patrick Zachmann. Qu’est-ce qui, dans l’imaginaire de ces dix photographes contemporains, aurait à voir avec le cinéma, avec l’expérience du cinéma ? Avec sa mémoire, son empreinte, son régime d’images. Comment le cinéma travaille-t-il votre imaginaire de photographe ? Et que provoque ce rapprochement ou ce lien, dès lors qu’il est exposé, entre deux régimes d’images si différents ? Certains photographes ont-ils jamais voulu être cinéastes, ou s’approcher au plus près du cinéma ? A partir de quels rêves, de quels fantasmes, de quelles procédures de prises de vue ? Comment ce désir peut-il se déclencher ? Désir de fiction ou désir documentaire ? S’agit-il de retrouver ou d’évoquer la mémoire ou le souvenir d’un film particulier, et de renouer avec le fétiche d’une séquence marquante ? Faire revenir le visage d’un acteur ou d’une actrice ? S’inscrire dans la trace esthétique ou la mgthologie d’un auteur qui a compté ? Rendre hommage à un genre comme le film noir américain ?
Se pose alors, très concrètement, la question : comment accrocher sur des murs ou des cimaises, photos fixes et images en mouvement ? Quels en sont les effets, et peut-être les risques, sur le plan visuel ? Comment ces deux régimes d’images peuvent-il, ou ne peuvent-ils pas, s’accorder, trouver un terrain d’entente ? Qu’est-ce qui se joue, devant nos geux de visiteur, entre l’immobilité et le tremblement, la fixité et le mouvement ? Dans cette exposition, le cinéma croise la photographie. Les images ne sont pas de mêmes tailles ni de même nature, et n’ont pas le même poids symbolique. Il n’en reste pas moins qu’elles appartiennent à un monde d’images. Et qu’à ce titre, elles sont à même d’interpeller le regard du visiteur, créant ainsi du sens, des rimes, ou des jeux de miroir. Rencontre intime entre deux arts. »

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