Lili Reynaud Dewar
Love = U.F.O
Lili Reynaud Dewar investit l’espace de la galerie du Frac Aquitaine, le soir du vernissage, pour une performance intitulée Love = U.F.O. À l’image du titre de l’exposition, dérivé d’une vidéo de Robert Filliou (Teaching and learning as performing Arts) dans laquelle ces mots apparaissent furtivement, la performance additionne une somme de références plus ou moins explicites. Il y est question de faire cohabiter et circuler ensemble des éléments étrangers (culturels, artistiques, physiques), d’intervertir des polarités. Mais aussi d’exploiter, à travers les personnalités de la performeuse burlesque Mary Knox et du chanteur Jean-Marie Racon, le mythe de l’Autre (l’U.F.O), non sans insinuer une vision critique de la spectacularisation des expressions alternatives. Love = U.F.O s’élabore autour de notions et d’accessoires propres au spectacle, qu’ils relèvent du Camp, du burlesque ou du rite.
À la manière d’un rituel, la performance se divise en trois phases, et se déroule sur un espace scénique défini par un tapis d’affiches annonçant l’exposition.
La première correspond à la préparation de la performeuse. Assise devant la Coiffeuse Plaza de Memphis, prêtée par le Fnac pour l’occasion, elle se maquille, comme en hommage à la vidéo Art Make Up, de Bruce Nauman, dans laquelle l’artiste recouvre uniformément son visage de couleurs qui se superposent et se fondent les unes aux autres. Les couleurs utilisées par la performeuse sont celles du nationalisme africain : vert, puis jaune, puis rouge, puis noir.
La seconde phase est celle de la présentation de la performeuse. Se tenant debout derrière un paravent de verre, elle prend des poses, revêt un costume, déplace des images et des objets (des Props) qui lui serviront pour le volet suivant (et final) de cette mise en scène.
La dernière phase consiste en un genre de conférence, illustrée par des images que la performeuse appose directement sur le paravent de verre. Ces images représentent des abstractions (des chiffres et des symboles) et des personnages emblématiques des cultures noires et blanches. À la fin de cet exposé, la fonction initiale du paravent lui est donc restituée, de transparent, il est rendu opaque par l’accumulation d’images qui le recouvrent. Les objets ainsi disposés constituent l’exposition, que la Coiffeuse Plaza éclaire de manière spectrale.
Tout au long de sa performance, la blonde Mary Knox est accompagnée par les chants créoles de Jean-Marie Racon (présent par l’intermédiaire d’une projection vidéo) et la guitare Noise de Lionel Fernandez (en live).
« Lili Reynaud Dewar mélange les styles, les couleurs et les matériaux, comme diverses sensibilités et idéologies, afin de proposer un langage inhabituel qui refuse l’uniformisation produite par le système. À travers ses oeuvres, elle explore en effet les possibilités de « résistance » liée à l’excentricité, cette manière de penser, d’agir ou de parler qui s’éloigne du commun et des normes, et qui confère ainsi une position décentrée. Sont ainsi convoqués des symboles particulièrement évocateurs de la culture underground, qu’il s’agisse de la culture noire américaine, du mouvement rastafari, du vaudou, de la musique pop, de l’art conceptuel ou du design radical. Usant à outrance de l’artifice et de la mise en scène, elle vise à réactiver une culture underground engagée, avec la volonté de mettre en avant des formes et des positions périphériques et valides. Elle occupe ainsi, sans aucun cynisme ni nostalgie, d’anciens espaces de subjectivité avec de nouvelles significations, et invente ce qui peut être appelé une politique performative de la multitude. » Florence Derieux.