Gilles Saussier
L’île d’après
Un sentiment de dépossession et de perte de terrain, un constat de destruction des formes singulières d’espace et de culture locale due aux ravages de la globalisation traversent la plupart des projets de Gilles Saussier. Ainsi des premières expériences photographiques sur l’île de Chatou, des interventions dans la vieille ville de Dhaka au Bangladesh ou dans les quartiers d’habitat populaire de Nantes qui, tous, traitent de reconfigurations urbaines ou territoriales.
Comment les respecter et les réinventer ? Cette question courrait déjà en filigrane lors de la précédente exposition de Gilles Saussier (2007) et dans le livre Studio Shakhari Bazar. Avec « L’île d’après », Gilles Saussier poursuit sa réflexion sur la réappropriation de l’espace local à l’échelle de l’estuaire de la Loire dans le cadre d’Envers des villes, endroit des corps – dont un premier volet avait été exposé ici même en 2005.
Dans L’île d’après, une vidéo de 17 minutes (2006-2007), l’artiste se filme sur une île de Loire, lisant à voix haute le récit de l’enfance passée sur le fleuve d’un exploitant sablier d’Ancenis. Cette performance documentaire est une méditation sur la pérennité du lieu-dit. Elle désenfouit un imaginaire et une expérience de la perception propre aux sociétés insulaires et fluviales et renoue ce faisant avec certaines figures allégoriques familières de l’oeuvre de Gilles Saussier : l’enfant du pays, les chasseurs, les habitants des îles fluviales…
L’île d’après est présentée avec une autre performance, Le Gué, réalisée à Nantes sur le cours enterré d’une rivière entre l’Erdre et la Loire, en contrepoint d’une série de photographies extraites d’une enquête menée sur un Sdf retrouvé mort en 2005 à Saint-Nazaire (Logé chez l’habitant).
Cette exposition est aussi l’occasion pour Gilles Saussier de remettre en jeu les portraits cartographiques de son premier projet Living in the fringe (1998), qui révélaient l’existence et les témoignages de millions de paysans sans terre peuplant les îles précaires du delta du Bengale et du cours du Brahmapoutre. Ils n’avaient jusqu’ici jamais été montrés en France.
Gilles Saussier propose depuis la fin des années 1990 une activité ouverte, construite autour d’un nombre choisi de projets documentaires et de corpus d’images (Living in the fringe, Studio Shakhar i bazar, Envers des villes, endroit des corps, Le tableau de chasse…) que l’artiste revisite, entrecroise et recompose sans cesse pour en enrichir la lecture et l’actualité. Les projets de Gilles Saussier entrecroisent les genres de la photographie documentaire et de l’art conceptuel, et engagent la photographie en tant qu’acte per formatif et non pas simplement image ou information.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Nicolas Villodre sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
L’île d’après