Enluminé à la feuille d’or, le livre trône au centre de la pièce, debout dans un meuble intitulé Cabinet qui lui sert de socle, lui-même placé sur un tapis. Une mise en scène de choix pour des textes qui avaient perdu tout espoir d’être publiés et lus. Mieux : c’est justement grâce à leur rejet qu’ils trouvent une place dans cette exposition, allant jusqu’à constituer un «trésor».
Tous les objets de cette exposition autour du livre sont marqués d’une empreinte graphique qui s’insinue partout : un pirate pixellisé nous est présenté par Applique pirate et L’Ile au trésor (frontispice), et prend ensuite place sur la couverture du livre pirate, sur les côtés du meuble, et sert de motif aux cadres des photos accrochées aux murs. Des Agents pirates lumineux posés au sol viennent compléter l’ensemble.
Les murs sont couverts d’un papier peint qui reprend le motif en noir et blanc des pages de garde du livre. Les seules taches de couleurs de l’exposition se trouvent dans les photographies qui nous font quitter ce monde en noir et blanc pour nous emmener dans une ville d’Asie.
On y découvre une jeune fille au tee-shirt rouge de dos, une autre en pleine lecture du journal assise à une table devant une boutique, et un jeune homme accroupi sur un quai qui se retourne pour regarder l’objectif. La série est complétée par la photographie d’un assemblage d’outils quotidiens sur lequel trône les Ecrits corsaires de Pasolini et par une photographie d’un couteau planté dans les Pensées de Pascal.
Ces deux dernières images peuvent être vues comme des invitations à la lecture, mais l’ensemble des photographies pourrait bien ne servir que de prétexte à l’invasion des pirates pixellisés. Les cadres n’encadrent pas seulement les photographies extraites du livre, ils se placent devant les images pour les recouvrir et en gêner la lecture.
L’exposition «L’île au trésor» mêle photographie, design, arts décoratifs et édition. Elle est en cela emblématique de la pratique protéiforme de Mathias Augustyniak et Michael Amzalag, le duo fondateur de l’agence M/M, qui se décrivent comme des « interprètes visuels ».
Ces stars du graphisme sévissent dans des univers aussi variés que l’art contemporain, la musique, le théâtre ou la mode, interrogeant en passant le statut des productions artistiques.
Est-ce qu’une affiche devient une œuvre d’art quand elle est exposée dans un musée, comme c’est le cas des affiches de leur exposition «Vision tenace», en ce moment au Centre Pompidou ? Est-ce que les textes rejetés par l’éditeur gagnent de la valeur à être rassemblés dans un livre qui prend place au centre de l’exposition d’une galerie ?
Ou plutôt, M/M ne se posent pas ce genre de questions : ils développent leur langage visuel de manière naturelle et sans prétention dans un domaine de création qui s’étend au gré des rencontres et des collaborations qui leur sont offertes.
M/M (Paris)
— L’île au trésor (Motif), 2005. 50 rouleaux de papier peint vinyle. 50 x 65 cm
— Agent Pirate, 2007. Néon, Plexiglas et aluminium, système électrique 220V.
70 x 46,5 x 16 cm, 220v
— Cabinet (L’île au trésor), 2007. Meuble bois sérigraphié, tapis tufté main (manufacture de Moroges Tisca France), livre, impression numérique sous reliure chevreau rehaussé d’or, livre 27 x 32,5 x 4,5 cm / cabinet 78 x 38 x 40 cm / tapis 120 x 180 cm
— L’Île au trésor (page 381), 2007. Lithographie sur zinc en 8 couleurs sur Arches 240 gr et cadre bois stratifié, découpé au laser monté sous coque en Plexiglas thermoformé. 70 x 85 x 7,5 cm
— L’île au trésor (page 9), 2007. Lithographie sur zinc en 8 couleurs sur Arches 240 gr et cadre bois stratifié, découpé au laser monté sous coque en Plexiglas thermoformé. 70 x 85 x 7,5 cm
— Applique Pirate, 2007. Tube argon, système électrique 220V et bois stratifié découpé au laser, monté sous coque en Plexiglas opaque thermoformé. 70 x 85 x 12,5 cm
— L’île au trésor (Frontispice), 2007. Sérigraphie phosphorescente sur Arches 240 gr. et cadre bois stratifié, découpé au laser, monté sous coque en Plexiglas thermoformé. 70 x 85 x 7,5 cm