Wolfgang Tillmans
Lignine Duress
Wolfgang Tillmans continue à centrer sa pratique de l’exposition autour des questions de perception de la durabilité de l’image encadrée et de la fragilité de l’image sans cadre. L’exposition présente deux manifestations radicalement différentes de matérialités photographiques imprimées sur le même papier archive durable avec des encres identiques quasi-permanentes. Les impressions jet d’encre non encadrées sont physiquement vulnérables, mais elles sont protégées par le droit accordé au collectionneur de les réimprimer grâce à des données qui lui sont remises au moment de l’acquisition. Les photographies encadrées sont protégées physiquement mais le collectionneur ne peut reproduire l’œuvre sans l’aval de l’artiste. Cette dualité, contradiction entre le désir d’immédiateté et la longévité, sont des problématiques récurrentes dans le travail de Wolfgang Tillmans.
Les espaces principaux de la galerie réunissent six grandes photographies issues de deux groupes d’œuvres qui sont liés mais dont les concepts diffèrent et sur lesquels Wolfgang Tillmans a travaillé au cours de l’année 2014. Toutes deux ont pour point de départ sa découverte de la brève coexistence d’une constellation de technologies numériques et analogiques. La télévision mal réglée de sa chambre d’hôtel à Saint-Pétersbourg était un produit de la première génération d’écrans plats qui n’avait pas la même vitesse de défilement de l’image et utilisait encore des signaux analogiques. Son appareil photo numérique haute définition a pu capturer le changement rapide de l’image télévisuelle à une vitesse impossible à atteindre il y a encore quelques années lorsque des bandes diagonales sombres apparaissaient sur ce type de photographies.
A l’occasion de trois visites en 2014, Wolfgang Tillmans a exploré le potentiel de ce téléviseur, et en a tiré des images qui résultent d’une installation technique spécifique mais reflètent aussi plus globalement les modes de communication et le monde qui nous entoure. Si ces photographies peuvent submerger le visiteur au premier abord, leur énergie picturale génère une incroyable stimulation visuelle. Apparemment en noir et blanc, les pièces sont en fait extrêmement colorées. L’Å“il du spectateur soumis aux changements de couleurs qui s’opèrent à la surface de l’image n’a plus ses repères. L’image qui semble être en noir et blanc est en fait composée de nuances intenses de rouge, de vert et de bleu.
Les photographies Sendeschluss/End of Broadcast n’ont pas de signal reconnaissable. Elles représentent un état d’entropie qui pourrait inclure toute l’information superposée au même moment. Le titre évoque le moment, où pendant des années, tard dans la nuit, la coupure du signal marquait la fin du programme officiel.
A la fois générique et très spécifique, Sendeschluss/End of Broadcast résonne avec l’ensemble de l’Å“uvre de Wolfgang Tillmans qui aborde la question fondamentale de la création de nouvelles images dans un monde déjà visuellement saturé. Avec la technologie numérique, la quantité d’informations présente dans une photographie est quasiment infinie et semble suggérer plusieurs couches de lectures possibles d’une même image.
Les photographies de Weak Signal représentent à l’inverse un téléviseur en train d’essayer de décoder un signal faible et qui tente de montrer cette image avec en bruit de fond le son écrasant de parasites électromagnétiques statiques. S’il est impossible de comprendre de quoi il s’agit, il est néanmoins évident qu’il y a réception et émission.
Wolfgang Tillmans explore depuis longtemps les limites du processus photographique, utilisant diverses sources lumineuses, substances chimiques et techniques pour approfondir la question de la représentation au moyen de stratégies non-figuratives. Dans la lignée des séries abstraites Freischwimmer, Silver, Lighter, Blushes, et Greifbar, ces nouvelles Å“uvres sont également proches de son Memorial for the Victims of Organized Religion, une installation de photographies à première vue noires qui démontre qu’il est difficile de distinguer ce qui est proposé au spectateur de ce qu’il imagine voir.
encounter propose l’image de jeunes pousses dans un pot qui ont été accidentellement à moitié recouvertes pendant une longue période. Privées de lumière, elles continuent néanmoins de pousser et conservent leur couleur verte, quittant leur état naturel de «photogrammes».