Stéfane Perraud
Lignes de Faille
«Le glacier cogne dans l’armoire,
Le désert gémit dans le lit,
Et la fêlure de la tasse
Ouvre l’accès au pays des morts.»
Wonsan Hugh Auden, Un soir que je sortais…
En dessinant les cassures et les déchirures de la croûte terrestre, l’exposition de Stéfane Perraud convoque la mémoire des grands tremblements de terre, dont les victimes se sont comptées en centaines de milliers: les failles de Sendai, au Japon, de Tangshan, en Chine, d’Ashgabat, au Turkmenistan, ou celles des Philippines ou d’Haiti.
Dans l’œuvre de Stéfane Perraud, la puissance meurtrière de ces lignes de faille contraste avec la précision et la fragilité de leurs représentations, qui se placent à une échelle qui n’est pas celle des hommes, mais de la géologie.
Des techniques différentes sont employées pour rendre compte de l’instabilité de notre sol. Ainsi, les dessins Sendai, Bam et Hongshu sont construits comme des circuits imprimés, qui alimentent des diodes électroluminescentes au niveau de la faille. La carte géologique devient alors un trait de lumière, la trace de mouvements de ruptures tectoniques, aux conséquences humaines terribles.
Dans l’ensemble des œuvres présentées ici (voir aussi les grands dessins Sumatra et Haiti, découpés au laser), Stéfane Perraud dessine avec l’électricité, qui apporte une qualité de présence particulière, telle une image des forces telluriques elles-mêmes.
Comme dans Lueurs (2008), l’artiste part de données statistiques — en l’occurrence le nombre de morts causées par chaque séisme — pour aller vers un geste sensible, qui nous place devant le poids humain de ces catastrophes, qui reste si difficile à mesurer.
Dans ce cadre, le dessin sert de sillon pour conduire l’électricité, qui, à son tour, se fait lumière.
C’est là que se situe la position de l’artiste, devenu notre passeur vers un monde de géants, trop grands pour nous puissions les voir ou les sentir. Vues de loin, les «Lignes de faille» sont finalement les plis et les zones de rupture d’une peau terrestre qui nous rappelle la nôtre. De ces déchirures, de cette peau, c’est bien du sang qui s’écoule.