Mohamed Ben Slama
Lights
Peintre autodidacte, Mohamed Ben Slama a beaucoup travaillé, voyagé et surtout appris par lui-même à provoquer et à émouvoir. Son système pictural figuratif est simple, peut presque paraître naïf. Ses représentations iconographiques sont la plupart du temps de face, hiératiques et semblent être dénuées de mouvement et de perspective. Pourtant, le mouvement et l’élan existent bel et bien dans la scénographie et surtout dans a vivacité du message transmis.
Dans les tableaux de Mohamed Ben Slama, le glissement du naïf vers la provocation s’effectue sans trop de compromis – ce qui lui a du reste valu des menaces de mort et des poursuites judiciaires dans son pays. Mohamed Ben Slama a en effet toujours trouvé les moyens de chatouiller les dictatures par un esprit imaginatif intelligent, parvenant néanmoins à préserver sa légèreté et sa souplesse.
Pour l’exposition «Lights», Mohamed Ben Slama convoque ses habituels personnages singuliers, mystérieux et souvent inquiétants. Ils semblent tout droit venir d’un univers onirique, affublés qu’ils sont d’un corps partiellement animal, à l’évidence caricaturés. Sa peinture est effectivement une réelle critique de la société. Mohamed Ben difforme, surpeint  les visages de ses personnages. Leurs corps sont à la fois masques et réalité, réalistes, et surréels. L’artiste s’intéresse au fond, à l’homme ; il le peint bizarre et effrayant avec un visage défiguré.
Désencombrée, alerte dans son style et sa facture, la peinture de Mohamed Ben Slama vise l’expression juste, passant avec aisance de la malice à la gravité, de la tendresse à la désillusion. Elle traduit la curiosité inépuisable du peintre pour tout ce que la nature humaine peut exsuder d’étrange et d’instable. Les compositions de Mohamed Ben Slama articulent entre elles des figures archétypales au travers desquelles se distribuent des rôles séculaires et se reforme le théâtre social. Les relations entre individus, la loi et l’interdit, la norme et le tabou, les jeux de la séduction et du pouvoir, tout se communique dans ces absurdes spectacles en attente de dénouements.
Par son hiératisme, sa frontalité et son organisation groupée, parfois pyramidale, la disposition des personnages rappelle celle de la miniature arabe et de l’art chrétien dont l’apport au Moyen Orient a été codifié par Byzance. Nous reconnaissons tous l’humain que peint Mohamed Ben Slama, aussi déguisé, masqué ou grimé soit-il – à l’instar des animaux des fables.
Quelle que soit la noirceur de ces tableaux que Ben Slama appelle aussi « ses apocalypses », ils portent une possibilité de rédemption permise par la puissance du désir et de l’imagination. On trouve souvent dans les tableaux de Ben Slama des femmes nues, géantes et souveraines ; déesses inaccessibles, mères protectrices ou Vénus offertes dont les carnations lumineuses rappellent les beautés de Cranach. Le peintre convoque aussi les héros de son enfance, comme Super Man, Astro Boy, personnage de Manga, ou encore «Le sauveur», surnom donné par Ben Slama à un nounours auréolé dont les apparitions semblent appeler à plus de naïveté et d’humour