Le clair-obscur, qui consiste en peinture à juxtaposer les parties claires et les parties très sombres pour créer des contrastes violents, fait l’objet de l’exposition Light Motive.
Cette pratique est déclinée en peinture avec David Ratcliff et Ellen Berkenblit, mais aussi en sculptures et installations avec Alexej Meschtschanow et Zenita Komad. Entre ombres et lumières, tous ces artistes combinent les contrastes et contradictions, de façon formelle et conceptuelle.
Au rez-de-chaussée, les deux imposantes peintures acryliques noires de David Ratcliff (Mirror 1 et Mirror 3), dégoulinantes, vaporisées, pochées, sont saturées par une d’imagerie profuse à consonance mystique, et fonctionnent comme deux totems brouillés et inquiétants.
Évocations d’un être trouble et double, d’une entité lointaine commune qui semble renvoyer à la question de la schize originelle. Cet effet de saturation plonge le spectateur à la fois dans une obscurité et un obscurantisme. Et l’abondance de matière provoque un effet d’étouffement qui pousse à fouiller la toile des yeux pour rechercher les minces espaces clairs et lumineux.
Ici, la fonction du clair-obscur consistant donner l’illusion de relief est délaissée au profit de la tension dramatique qui vise à faire surgir de la toile son motif directeur: son leitmotiv, une forme obsessionnelle qui déborde au travers des contrastes.
Alexej Meschtschanow confronte, quant à lui, le spectateur à la violence de la mémoire, à l’impossibilité d’exprimer les souvenirs, seul restant ainsi le choc émotionnel.
A l’aide de vieilles portes ou de sièges dans lesquels viennent s’imbriquer des éléments métalliques, Alexej Meschtschanow transforme ses sculptures en univers clinique. Parce que l’objet est privé de ses fonctionnalités, mais aussi parce qu’il est traversé par l’hétérogénéité des matières —le bois et le métal, le verre et le fer. Hybride, cet objet-témoin l’est devenu par le télescopage des matières, mais aussi des temps —tiré de son passé et replacé dans l’espace contemporain de la galerie.
Au sous-sol, les peintures fragiles et intimes d’ Ellen Berkenblit semblent se déconstruire autour d’un personnage féminin issu de l’univers du cartoon des années 1930. Son histoire, empreinte d’érotisme, se dilue et glisse hors du support —l’utilisation de kaolin renforçant cet effet de fuite.
Dans la pénombre, ce personnage semble attiré par un drame indéterminé situé hors-champ, autour, ailleurs, comme une inquiétude diffuse et omniprésente… Les contours, les limites, les aspérités sont gommés, et l’on est comme englobé et rejeté par l’Å“uvre.
Dans un rythme allègre et une forte amplitude, les sculptures-tableaux de Zenita Komad se propagent dans l’ensemble de l’espace, tout en débordant les uns dans les autres. Préférant la circulation à l’opposition, l’artiste propose ici une recherche entre langues (trois mots noirs sont peints et répétés) et liens physiques (la corde rouge, quasi seule note de couleur de toute l’exposition relie et contraste avec force et délicatesse).
Elle crée sa propre topographie avec pour seuls repères le ciel, la terre et l’amour, et pour visée une jouissance poétique et immédiate du présent. Les contraires se côtoient de façon harmonieuse, mais non moins nécessaire.
David Ratcliff
— Mirror 1, 2008. Acrylic and spraypaint on canvas. 259 x 223 cm.
— Mirror 3, 2008. Acrylic and spraypaint on canvas. 259 x 223
Alexej Meschtschanow
— Babai, 2009. b/w photograpgy, glass, steel pipe, lacquer. 70 x 77 x 14 cm.
— Dämonen benutzen geschlossene Türen (IV), 2008. Steel, wood, lacquer. Height 170 cm.
Zenita Komad
— Woman in love, 2009. Stitched canvas and rope. 150 x 110 cm + mixed media.
Ellen Berkenblit
— Untitled, 2009. Oil, charcoal and pencil on board. 40,5 x 30,5 cm.
— Untitled, 2009. Oil, charcoal and pencil on board. 76 x 91 cm.