ART | EXPO

L’hypothèse verticale

05 Nov - 26 Fév 2012
Vernissage le 05 Nov 2011

«L’hypothèse verticale» ne raconte pas la seule histoire bicéphale de l’écran et du reflet. Elle parcourt également l’éventail qui va de l’image incarnée dans un support, à l’image qui s’en sépare pour faire croire à son être fantomatique. Le dispositif permet ainsi au visiteur de pénétrer dans l'œuvre, de se placer au centre des rectangles de couleur, d'entrer littéralement dans la peinture.

Cécile Bart
L’hypothèse verticale

Sept grandes peintures/écrans, calées exactement entre sol et poutres, et reprenant les proportions de deux cimaises mobiles appartenant au dispositif ordinaire de la grande salle d’exposition du Musée Régional d’Art Contemporain à Sérignan, scandent l’espace en rangées parallèles tout en le ponctuant de façon aléatoire. Sur les écrans, des rectangles peints «à fond perdu» s’enfoncent dans le sol, prolongés par leur propre reflet. Sur les murs et sur les cimaises mobiles, le même tropisme propulse vers le bas d’autres rectangles peints qui, pareillement, trouvent une continuité virtuelle au-dessous d’eux. Cécile Bart avait remarqué lors de sa première visite que la projection lumineuse des vasistas sur les murs venait se refléter sur le sol brillant, et que ce reflet en constituait comme un prolongement vertical. Elle a «augmenté» cet effet, l’a transformé en dispositif. Elle a procédé comme le ferait une chambre d’amplification, en dédoublant l’espace, en le peuplant et en l’habitant de formes spectrales, d’ombres et reflets incertains de rectangles peints, d’êtres géométriques simples et frustes, semi-transparents ou opaques selon qu’ils tombent des écrans ou des murs.

«L’Hypothèse verticale» est tout en ombres et lumières. Désaturées, les couleurs y sont dans les bruns, les noirs chauds, les bleus et violets, les jaunes pâles et les gris clairs colorés. Des oppositions d’ombre et de lumière traduites en couleur. Des couleurs-valeurs. Une exposition en lumière naturelle, avec des couleurs entre chien et loup. Dans la partie borgne de la grande salle, c’est une double projection de rectangles blancs qui «tombe» du mur à contre jour, et vient redoubler la danse fantomatique des formes peintes. Aussi elle trouve dans l’image de la réverbération verticale amplifiée à Sérignan, un rapport d’immersion auquel les icebergs de Caspar David Friedrich donnent une résonance fantastique: car non seulement les rectangles peints se reflètent dans le sol, mais il semblent s’y noyer, tant leur forme y rencontre leur propre dissolution. Et de remarquer ironiquement que «les tableaux ne savent pas nager»! La peinture aurait en quelque sorte la hantise de son propre naufrage; elle le mettrait en scène. L’iceberg vient ici curieusement sémantiser un dispositif qui pouvait passer pour purement abstrait. Davantage que simple image d’un rapport spatial, il fonctionne comme la métaphore de l’oeuvre. «Ce que l’on voit n’est qu’une partie de ce qui est immergée» dit Cécile Bart, ajoutant que «l’exposition n’est que la partie visible de l’iceberg, la partie visible du travail en cours».

Voici donc une exposition qui vient sombrer dans les eaux troubles de son sol réfléchissant. Cette image noyée, opacifiée, bougée et incertaine, redouble l’effet de brume propre aux peintures/écrans. Oxymore des écrans de Cécile Bart, dont la peinture — essuyée pour rouvrir la trame du Tergal «Plein Jour», après avoir été passée à larges coups de brosse — à la fois rend visible ce qui est derrière elle, et lui donne un grain qui le met à distance. Stratégie de l’écran qui fut explorée pour la première fois dans toute son ampleur dans les peintures sur papier huilé des boîtes optiques du XVIIIe siècle, dans les Diaphanoramas de Franz Niklaus König, dans L’Eidophusikon de Loutherburg, et dont l’application la plus spectaculaire fut, à partir de 1822, le Diorama de Daguerre et Bouton. «La magie de cet effet de lumière est vraiment extraordinaire et l’illusion est complète et enchanteresse» pouvait-on lire dans un commentaire de l’Effet de neige et de brume vue à travers une colonnade gothique, un diaporama de 1826. La maîtrise de la lumière zénithale, distillée devant ou derrière l’écran par des volets commandés depuis les coulisses concourut largement au succès des premiers diaporamas qui se passaient d’éclairage artificiel. C’est aussi cette même lumière du jour qui venait baigner les peintures circulaires des panoramas, une lumière dont la source était soigneusement masquée par un plafond en parapluie.
Christian Besson

Vernissage
Samedi 05 novembre 2011 à 11h

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