Dans son désir permanent de traduire le monde, l’homme crée machines et compas, mais aussi des termes et des outils décrivant les phénomènes et l’actualité au jour le jour, à la minute près. Les journaux quotidiens sont un de ces outils de transcription simultanée des événements.
Avec les treize impressions constituant Sismogramme, œuvre qui transfigure un exemplaire entier du journal Le Monde du mois de mars annonçant à contretemps le séisme chilien du 27 février 2010, Evariste Richer ne s’intéresse plus au contenu mais à la structure du journal, ce qui en constitue l’hypocentre en quelque sorte.
Les mots sont alors effacés, ne reste que le squelette du quotidien, sa vacuité aussi bien que son être-là fondamental. Le tout crée une série très graphique et abstraite, un univers un brin fantomatique.
De même, avec Geological Scale, Evariste Richer évince les mots pour ne garder que les couleurs. Chaque couleur correspond à un terme, ou une définition, dans l’objet d’origine qu’est le nuancier de la charte du temps géologique 2008 (une charte qui définit le temps de la planète, mise en place par la Commission for the Geological Map of the World).
En agrandissant et réinterprétant cette charte, en n’en préservant que l’abstraction, l’artiste rejette la technique pour ne garder que le potentiel esthétique de l’objet, en s’autorisant un clin d’œil à l’histoire de l’art abstrait et cinétique, notamment à Gerhard Richter et ses méthodes d’abordage conceptuel de la couleur et de la peinture des années 1970.
Evariste Richer n’est pas ennemi des mots pour autant, Hypocentre, œuvre éponyme qui juxtapose une pierre stromatolithe (une des premières traces de vie fossilisée) à un stick de graphite, est un hymne à la mine de plomb et à la ligne courbe, qui sont les instruments de l’artiste comme de l’écrivain. Le lien se crée constamment entre artefact et créations humaines, et éléments constitutifs du monde extérieur, naturels et subliminaux.
Cerveau est un cube imparfait composé de multiples cubes de pyrite, présenté sous une cloche en verre sur un socle. Un cerveau sur piédestal, telle une dissection empirique et cartésienne. Qu’est-ce qu’un cerveau? un poids (1,3 kg) ou une forme conceptualisée.
En effet, d’un cerveau l’œuvre n’en a à première vue que le poids et le nom. Mais dans l’objet abstrait, apparemment sans âme, se cache un morceau de mosaïque de Pompéi, un vestige issu de notre imaginaire nostalgique et esthétique. La mémoire des choses remet l’homme dans l’objet.
Evariste Richer semble ne prélever dans ces œuvres que des matrices, des formes structurelles et ainsi conceptuelles, comme en quête d’un hypocentre des choses et des phénomènes. Ses traductions spatio-temporelles du monde préservent néanmoins les traces d’une création naturelle ou artefact, la mémoire des œuvres passées et des mots qui la composent ou la décrivent à la surface ou, pourrait-on dire, à l’épicentre.
— Evariste Richer, Les Fonds, 2010. Acrylique sur toile, 365 x 128 cm (rouge), 234 x 142 cm (bleu), 230,5 x 190 cm (blanc), 194,6 x 130 cm (noir).
— Evariste Richer, Geological Scale, 2009. Impression jet d’encre sur papier, encadré, 270 x 110 cm chacun.
— Evariste Richer, Cerveau, 2010. Pyrite, mosaïque de Pompéi, socle et cloche en verre, 130 x 130 x 50 cm.
— Evariste Richer, Lucifer Song, 2010. Fluorine, archet, socle et cloche en verre, 130 x 110 x 33 cm.
— Evariste Richer, Hypocentre, 2010. Sculpture: stromatolithe, graphite. Dimensions: 20 x 12 cm.
— Evariste Richer, Sismogramme (détail), 2010. 14 tirages photographiques. Dimensions: 47 x 64 cm chaque