Martine Aballéa, Scoli Acosta, Michel Blazy, Véronique Boudier, Wim Delvoye, Hubert Duprat, Barbara Ess, Patrick Faigenbaum, Peter Fischli, David Weiss, Hreinn Fridfinnsson, Rodney Graham, Richard Hamilton, Lothar Hempel, Rainier Lericolais, Urs Lüthi, Man Ray, Gordon Matta-Clark, Jochim Mogarra, Richard Monnier, Markus Raetz, Ugo Rondinone, Pierre Savatier, Cindy Sherman, William Wegman
Portraits, photographies d’espaces et d’objets après Man Ray
L’exposition rayonnante
L’exposition s’inscrit dans le cadre de Collections D’automne proposant, de septembre à décembre 2009, un vaste panorama des activités des Fonds régionaux d’art contemporain membres de l’association Platform.
En 2002, était présentée au FRAC Limousin une première approche des relations entre la photographie et la sculpture sous-titrée Rayogrammes, sténopés.
Cet été 2009, le même Frac nous propose une version renouvelée basée sur une recherche iconographique détaillée dont on trouve les sources chez Man Ray, un des plus grands inventeurs, souvent accidentel, de la photographie au XXème siècle.
En examinant la collection photographique du FRAC Limousin, notamment à partir du fameux essai Surréalisme et photographie de Rosalind Krauss (in Le Photographique, pour une théorie des écarts, éd. Macula, 1990), les exemples abondent tant la créativité de Man Ray fut féconde. Ses inventions photographiques, souvent dûes au hasard si l’on en croit Philippe Sers (L’Avant-garde radicale, Les Belles lettres, 2004), ont servi de points d’appui à notre prospection. Il précise:
«Elles surgissent parfois d’un désordre d’atelier, voire d’accidents. Autant qu’on puisse le savoir, la solarisation et le flou, qui sont les procédés auxquels Man Ray doit une partie de l’impact de son oeuvre photographique, sont nés d’erreurs commises durant le travail. La solarisation (double insolation du tirage) est le résultat d’un éclairage intempestif de la chambre noire. Le flou est le résultat d’un oubli. Man Ray n’avait pas pris l’objectif nécessaire lorsqu’il était parti faire le portrait de Matisse et, pour réaliser la photographie où on le voit en face de son modèle, il fut contraint d’utiliser son verre de lunettes (il était passablement myope). Le résultat fut une épreuve en laquelle le peintre et son modèle se trouvaient unis par une atmosphère de fondu riche de sens. La surimpression serait également issue d’un hasard bienheureux».
Le rayogramme, photographie d’objets sans caméra parfois appelé rayographie, se pratique toujours aujourd’hui, soit comme une étape de recherche (Joachim Mogarra, Richard Monnier), soit comme une spécialité, comme c’est le cas chez Pierre Savatier (il est invité à une présentation monographique d’oeuvres récentes au coeur de l’exposition, et il fera une lecture à la rentrée).
Les photographies d’espace sans caméra, que l’on nomme sténopés (pinhole disent les anglais) sont également utilisées par les artistes d’aujourd’hui (Hubert Duprat, Barbara Ess, Steven Pippin, Rodney Graham, …). Par leurs qualités archaïques et rudimentaires, elles permettent une sorte de retour à l’essentiel qui objective notre regard et donnent aux artistes l’occasion d’expériences spatiales en profondeur.
La solarisation a également ses adeptes. Ainsi, Martine Abbaléa colorisa longtemps des photographies noir et blanc qui firent ses premiers succès avant de travailler avec des logiciels et d’apposer des filtres de couleur aux fenêtres des lieux d’exposition.
Dans la famille des expositions multiples ou superpositions de négatifs (proche du photomontage dadaïste) on trouve le très bel exemple de Lothar Hempel, récemment acquis, ainsi que le magnifique diptyque d’angle de Markus Raetz qui démultiplie l’espace.
Pour le flou et l’expérience du détail, où les exemples sont pléthoriques, est présentée la série des Léguorites de Michel Blazy, macrophotographies de plantes en décomposition, en regard d’une image source envisageable de Man Ray, le fameux Elevage de poussière».
Mais la pêche est presque «miraculeuse» du côté des photographies de «sculptures éphémères»: on y trouve les noms aussi divers que Gordon Matta-Clark, Wim Delvoye, Joachim Mogarra,… Les super-pouvoirs de Man Ray ont franchi le XXème siècle et continuent d’agir aujourd’hui. L’aérographe, le rayogramme et la solarisation furent ses armes principales, mais il en expérimenta beaucoup d’autres, notamment de multiples collaborations avec Marcel Duchamp (La Tonsure, Rrose Sélavy, Eau de voilette, Elevage de poussière) ou avec Hans Richter dans le domaine du cinéma.
Comment ne pas voir enfin dans le patronyme que s’est choisi l’homme-rayon, comme le surnommait André Breton, une allusion aux super-héros du rêve américain en même temps qu’une prémonition au «je veux être une machine» de Warhol?
Au début de sa carrière, Emanuel Radnitzky choisit un «Nom-de-caméra». Son influence fut immense: il donna son nom à un procédé de photographie sans caméra, le rayogramme, et, parmi d’autres exemples de sa célébrité, l’artiste William Wegman baptisa Man Ray son premier chien modèle pour des séances de pauses tragicomiques dont on connaît à Limoges (et ailleurs) la célébrité.
Le numéro 52 du catalogue Man Ray publié lors de la biennale de Venise en 1977 montre une rayographie de 1925: un groupe de trois fleurs avec trois valeurs de gris et de blanc sur un fond de fougères. Difficile de ne pas y déceler à la fois un prolongement du «pinceau de la nature» de Fox-Talbot et les prémisses du célébrissime tableau Flowers d’Andy Warhol. L’homme-rayon et le dandy pop eurent d’ailleurs une prédilection en commun: les portraits de célébrités, qui leur permettaient de (bien) gagner leur vie.
On imagine la suite: une exposition «rayonnante» de portraits de Man Ray (d’artistes, d’écrivains, de modèles pour la couture, d’autoportraits), d’Andy Warhol (peut-être…), de Cindy Sherman, Véronique Boudier, Urs Luthi, Ugo Rondinone, Richard Hamilton et, bien sûr, de quelques chiens de William Wegman…