Les dangers et les peurs vivent dans les mythes et les contes. Leur tissu métaphorique se tisse à chaque coin de maisons en sucre. Il suit inlassablement une trame où d’imprudents enfants côtoient sorcières démoniaques et grands méchants loups affamés. Ensemble ils fusionnent pour créer un troisième sujet: la faute. Désobéir à la Loi expose au reflux de la punition. La fatalité tombe comme un couperet, elle fait mal. À son tour lui succède la morale, la leçon qui servira d’avertissement pour plus tard. Apprendre signifie-t-il se tromper d’abord? Si je raconte une histoire c’est pour prémunir du danger, protéger du faux pas. Les Pinocchio, Hansel et autres Pierre sont l’incarnation de l’enfant que l’on aurait dû mieux border.
Katia Bourdarel ébranle de toute sa maternité les standards de moralité poudrée et de fatalisme bien rangé. En mettant en scène les images de ses propres enfants dans ses œuvres, elle entrouvre la possibilité d’une autre fin d’histoire.
À l’image de Peter Pan, c’est l’enfant qui constitue la menace. Les filles d’Électre, traits ronds et corps monstrueux, survolent les cieux toutes griffes dehors, attentives à l’ici-bas. Elles se sont posées plus loin sur les branches pour compter leur tribut d’âmes. La douceur des pastels pend le long de l’efficacité des serres métalliques des Ravisseuses.
Distillée à travers les wall paintings et les sculptures, la voracité des sujets s’accepte comme une douce léthargie. On tombe sous un charme vampirique.
Les verts sont tendres, ils sentent les sous-bois. Les expressions parfois théâtrales des enfants, en costume d’Enfants perdus, aux poses empruntées aux statues grecques, se greffent à l’idée d’un jeu. Rien ne semble tiré de la réalité, l’imaginaire tient ici le rôle principal. Pourtant, les sujets sont là , présents par leur taille en grandeur nature et par le fait qu’ils existent bel et bien aussi.
Comme lorsqu’on souhaiterait mourir à un instant présent pour le garder éternel, Katia Bourdarel s’approprie la perpétuité grâce à l’histoire, son universalité qui se répète et se murmure encore et encore une fois la nuit tombée. Le conte possède le don de ressasser un moment et un état. Se substituer à ses héros revient à goûter une part de son pouvoir splendide, quitte à s’en empoisonner. Les ailes sont récurrentes dans les œuvres de Katia Bourdarel. Elles sont l’outil et la clé. Ne restent que les recommandations, et l’espoir qu’elles soient mieux entendues que celles que Dédale adressa à Icare.
Katia Bourdarel
— Marjolaine, série «Les Enfants perdus», 2006. Huile sur toile. 200 x 60 cm.
— Roméo, série «Les Enfants perdus», 2006. Huile sur toile. 200 x 60 cm.
— Charlène, série «Les Enfants perdus», 2006. Huile sur toile. 200 x 60 cm.
— Dorian, série «Les Enfants perdus», 2006. Huile sur toile. 200 x 60 cm.
— Sans titre, série «Les Filles d’Electre», 2006. Sérigraphie. 50 x 40 cm.
— La Dame blanche, série «Les Oiseaux de proie», 2006. Tirage argentique. 70 x 100 cm.
— Cabane, 2006. Huile sur toile. 130 x 162 cm.
— Serres, détail, 2006. Sculpture anthropomorphique. Etain, branche, ruban de satin.
— Sans titre, série «La Balançoire», 2006. Aquarelle. 30 x 21 cm.
— Sans titre, série «Rêver aux anges», 2006. Aquarelle. 30 x 21 cm.
— Sans titre, série «L’Ombre du vent», 2006. Aquarelle. 30 x 21 cm.