L’ENSA de Bourges, toujours sans directeur depuis la rentrée dernière, s’inquiète de l’arrivée d’une directrice déjà visée par des rumeurs de harcèlement moral et de mauvais managing. Cette semaine, un article du quotidien régional La Voix du Nord ravive la polémique en publiant un document accablant pour l’ancienne administratrice. Si ce «protocole d’accord transactionnel» (non attesté, non signé) ne fournit aucun aveu de sa part, ni aucune preuve de la part du Frac, il a le mérite de reprendre les éléments de l’affaire. On peut y lire que le Frac aurait voulu engager une procédure de licenciement pour faute grave à l’encontre de Hilde Teerlinck, qui serait sous le coup de plaintes aux Prud’hommes, suite à une quinzaine de démissions et la multiplication anormale des arrêts de travail au sein de son équipe. De son côté, la principale intéressée récuse tout manquement professionnel, faisant par ailleurs valoir un volume important d’heures supplémentaires non payées ainsi que de congés non pris, menaçant le Frac de réclamer la totalité de ces sommes. Sans revenir sur ses positions, le Frac a malgré tout signé un accord qui tranche la poire en deux, accordant à la directrice des indemnités s’élevant à plus de 55 000 euros et une rupture de contrat conventionnelle.
L’histoire aurait pu s’arrêter là si le ministère n’était pas tenu de recaser Hilde Teerlinck à un autre poste à responsabilité. En septembre dernier, alors que l’annonce de sa désignation à l’ENSA de Bourges commence à s’ébruiter, le conseil d’administration de l’école délivre un avis défavorable à sa nomination, quand le corps enseignant, déjà soucieux de n’avoir pas été consulté, écrit une nouvelle lettre à la ministre pour lui demander de réviser sa décision. A ce jour, ces appels sont restés lettres mortes, et la situation semble bloquée: sans nomination officielle, l’intérim est assuré rue Édouard-Branly par la conservatrice de la bibliothèque ainsi que les professeurs, mais il y a fort à craindre que l’école pâtisse vite de la désorganisation de son administration. L’ENSA de Bourges, école nationale dont la réputation n’est plus à faire, regrette le départ de Stéphane Doré, directeur respecté dont le contrat arrivait à terme, et s‘inquiète de l’arrivée d’une personnalité parachutée qui risquerait de mettre en péril la cohésion des équipes enseignantes et administratives.
Au-delà de soulever la réelle question de la non consultation des personnels dans la désignation d’un dirigeant — cas propre à la France — cette affaire met en lumière le jeu de chaises musicales qui semble décider des nominations institutionnelles. Selon nos informations, Hilde Teerlinck serait nominée pour un an, avant de partir vers un autre poste. Ce manque d’investissement, par ailleurs traduit dans un projet global considéré comme insuffisant par des membres de l’ENSA de Bourges, ne pourrait que porter préjudice au dynamisme et au rayonnement de l’école, surtout si elle devait avoir à affronter des départs de postes enseignants. La question se pose également de savoir ce que traduit l’embarras ministériel et son immobilisme: peut-on en toute conscience confier la direction d’un établissement qu’elle ne connaît pas à une personne si controversée? Dans le respect de la présomption d’innocence, un principe de précaution pourrait tout aussi bien être convoqué, surtout lorsqu’un employeur public maintient ses accusations. L’avenir seul nous dira si le ministère choisit d’écouter les premiers concernés ou s’il fait usage de son droit à imposer un nom. Dans ce dernier cas, tout porte à croire que l’atmosphère de défiance qui risque de s’installer à l’ENSA de Bourges ne servira en rien les intérêts de l’établissement et l’avenir des étudiants.