Charles Le Hyaric
Leurre du temps
Rencontrer l’aura des ruines. L’évocation d’une cosmogonie. C’est cet aspect que recouvrent les œuvres de Charles Le Hyaric présentées à la Galerie Claudine Papillon. Le monde qu’elles offrent à parcourir est insaisissable. Il n’impose pas de savoir. Il est au contraire sa subtile disparition. Ce qui traverse les travaux de Charles Le Hyaric, c’est cette matière devenue véritable outil à la fondation de dispositifs métaphysiques. Le temps, sa trace au cœur de l’œuvrement du matériau, rendu à la grâce de tous les sens par l’articulation fertile d’une pluralité de mediums. L’artiste travaille ainsi aux croisées de tous les procédés et techniques qu’il rencontre, et les mélange afin de composer des expériences enrichies et plus complexes.
Si c’est la matière qui formule le lieu, Charles Le Hyaric suggère les armes. La matière, véritable muse de l’artiste, ses accidents, l’horizon de ses solutions originales, le miracle toujours accompli de ses formes fascinantes est rendue là , figée en une théâtralité de courbes, fruit des hasards mis en œuvre par l’artiste.
Ses œuvres ne situent pas un état des formes, elles ouvrent au contraire vers cette impossibilité d’un même, d’une mimésis qui trahirait un affairement minutieux de la technique. Charles Le Hyaric se fait plutôt technicien de dispositifs qui amènent avec eux le temps d’un lieu qui fait l’œuvre, une mythologie d’entre-monde.
L’aspérité des volutes, les effluves sonores, les sillons évocateurs, les espaces odorants sont autant de dimensions qui hantent la sculpture et qui fondent son lieu. Puisqu’il n’y a, à proprement parler rien à voir, c’est une histoire des sens qui naviguent en sous-face.
Ces objets, devenus lieu du rituel par l’aura de leur mise au monde, sont des explorations sensibles. C’est le temps de la formation qui paraît et qui devient un paysage dans lequel circulent les sens. A travers ces œuvres se suggère, s’évoque, l’existence d’une mécanique formelle auto-engendrée de la nature croisée ici, coagulée et rendue docile, à l’aperception de notre regard rendu à la naïveté.
Les œuvres présentées ici, avec l’exemple de la série Focus, déclinent l’échantillonnage de cet herbier minéral. Et ce sont ces parcelles de lieu qui filent et tissent l’intuition — et donc l’histoire — de cet autre monde que l’artiste nous fait découvrir. Pourrissement ou enchevêtrement de pigments, retenus de miel, caprice de champignons, effrité de feuille d’or, parcelles du grignotement.
Wimp c’est la fenêtre qui fait paysage. Et c’est dans cette même transformation de l’objet que les Funérailles d’Eden révèlent leur mystère. Véritable morceaux de matière, les volumes et effritements viennent recouvrir la photographie des ruines d’Eden, une sculpture que Charles Le Hyaric avait sortie de sa fermentation en bocal et déposé à mûrir au gré des humeurs d’un jardin extérieur.
Œuvre de temps donc, ses différents états reformulent le seuil de l’expérience. Ces seuils toujours déplacés nous permettent de pénétrer les différentes dimensions d’un langage matériel révélé par les œuvrements de l’artiste. Le choix des matériaux fait donc par lui-même langage.
La javel et la peinture à l’huile utilisées dans Naclo formule une apparition toujours étonnante renvoyant tout autant à des écoulements de lave, qu’à la porosité des os, aux aspérités des roches ou encore, et de façon parfois saisissante, à un paysage terrestre vue du ciel où progresseraient des fleuves aux ramures infinis.
L’œuvre est donc un lieu devenu créature soutenant les états de sa propre matière. Les œuvres présentées ici sont ses relais-témoins.