«A l’attention de Mme Fleur Pellerin, Ministre de la Culture et de la Communication, concernant le projet de loi «Création artistique, architecture, et patrimoine».
Madame La Ministre,
À la lecture de ce qui devait augurer un texte majeur sur la création, nous sommes très étonnés de constater que les artistes plasticiens en sont quasiment absents. Formant le groupe de réflexion Économie solidaire de l’art qui vise à repenser les conditions économiques de l’art contemporain en France, nous prenons donc la parole.
On ne dira jamais assez à quel point les travailleurs de l’art ont vu les conditions socio-économiques de leurs activités se détériorer considérablement au cours des dernières décennies. Le rapport remis à la commission des affaires culturelles en avril 2013 par Jean-Patrick Gille, éclairé déjà par un précédent rapport sur les métiers artistiques remis en décembre 2004 par Christian Kert, insistait pourtant déjà sur la situation particulièrement préoccupante des métiers artistiques non salariés.
À croire que nous serions ainsi condamnés à demeurer la face cachée de la lune. Cette invisibilité à laquelle semble nous condamner notre ministère de tutelle comporte pourtant un versant particulièrement exposé. D’où proviendraient donc la richesse et la diversité de l’offre de création plastique et graphique dont la France peut se targuer, si ce n’était du libre engagement et de la précarité permanente de ses acteurs — puisqu’ici nulle assurance chômage spécifique, nulle disposition dérogatoire, nulle retraite?
La situation est grave. Le marché occupe un espace de visibilité peut-être séduisant mais extrêmement dangereux, qui masque et déforme totalement la réalité de la création et de l’expérimentation en France. Votre silence nous enfonce encore un peu plus profondément dans la nuit, en contradiction avec les discours publics de janvier face à l’obscurantisme. Car il est certes nécessaire d’organiser un front culturel. Mais comment celui-ci pourrait-il exister sans artistes et sans tous les professionnels indépendants des arts visuels? À l’incompréhension succède notre colère.
La seule mention faite des artistes plasticiens dans votre texte évoque leur possibilité d’émarger au Revenu de Solidarité Active. Outre que l’on pourrait rêver d’une plus grande ambition pour ce domaine, c’est oublier que de très nombreux créateurs y ont déjà recours, les revenus de leur activité de création ne leur permettant presque jamais d’en vivre: dans leur écrasante majorité, les artistes et professionnels de l’art contemporain sont notoirement sous-payés voire pas payés du tout. Des milliers d’entre eux tentent de survivre de la pluri-activité.
Ce n’est donc ni le RSA (faut-il vous rappeler que le montant maximum pour une personne seule s’élève à 513,88 € ?) ni la charité qui changeront leur situation actuelle, mais un projet global sur les conditions économiques de leur exercice.
Nous avons réuni dans le texte ci-joint des propositions concrètes qui ouvrent de réelles perspectives pour une économie plus juste des arts plastiques en France.
Nous vous remercions de bien vouloir en prendre connaissance.
Recevez, Madame la Ministre, l’expression de nos pensées encore responsables,
Le groupe de réflexion Économie solidaire de l’art»
Le texte reprenant leurs propositions concrètes est directement téléchargeable sur le site d’Economie Solidaire de l’Art: www.economiesolidairedelart.net