Présentation
Frank Lamy, Alexia Fabre
Let’s Dance
Bien sûr, «Let’s Dance» fait référence au célèbre album de David Bowie (1983), aux accents mélancoliques. Une invitation? Une injonction? Curieusement, ce titre séduisant raisonne comme un slogan autrefois scandé par Act Up: J’irai danser quand même! Car il s’agit bien ici, d’une forme de résistance. Cette exposition collective nous livre une vision de l’envers du décor. Mélancolique, le propos de l’exposition l’est d’une certaine manière. Éprouver le besoin irrépressible de commémorer ensemble les événements marquants de la vie, est l’un des fils rouges de l’exposition qui relient la cinquantaine d’oeuvres des quarante artistes internationaux rassemblés pour «Let’s Dance».
«Let’s Dance» propose de visiter les lieux communs de la célébration à travers ses motifs: l’anniversaire, le feu d’artifice, la bougie, le gâteau, la fête des voisins, les rituels de passage, la musique… qui sont autant de points de rencontre des communautés qui n’empêchent pas cependant, la solitude.
L’exposition a ainsi été conçue comme une grande Vanité… Au fur et à mesure de l’exposition, des bribes de récits se tissent. Des événements perçus comme à la dérobée, au détour d’une installation ou d’une sculpture, d’une vidéo ou d’une peinture, sont autant de moments brefs, troublants et incomplets. Mais, ces scènes sont assez universelles pour permettre à tous et à chacun de s’y identifier.
Pour Douglas Gordon, l’anniversaire lui évoque «les larmes»; à l’occasion de son anniversaire, il perce un crâne d’étoiles qui symbolisent les années écoulées. Un rituel, que nombre d’artistes de l’exposition poursuivent à leur façon: chaque année Valérie Favre peint une nouvelle toile de la série «Balls and Tunnels» selon un protocole précis. Jour après jour, le peintre allemand, Peter Dreher peint un verre vide sur une table blanche. Un défi lancé au temps qui s’écoule?
L’artiste flamand, Hans Op de Beeck réalise des vidéos empreintes de mélancolie. Les images passent en boucle. Il nous présente un monde qui tourne comme un carrousel fou, un monde où tout se répète à l’infini, où toute tentative de communication échoue ou paraît vaine. Ces oeuvres ne sont cependant jamais sombres. Elles balancent toujours entre gravité et ironie, entre tristesse et humour.
Toutefois, à la différence des clichés qui décrivent des situations parfaitement stéréotypées, «Let’s Dance» se joue de l’ambiguïté des objets. Ainsi, chez Claude Closky, la pixellisation d’un écran devient un feu d’artifice. Christodoulos Panayioutou s’intéresse quant à lui au feu d’artifice en tant que signal de communication de la mafia napolitaine. Philippe Parreno dans cette oeuvre intitulée Fraught Times: For Eleven Months of the Year it is an Artwork and in Deceber it’s Christmas pose la question de la temporalité. Alors, arbre de noël ou sculpture?
Avec les oeuvres de Bernhard Martin, (Single Disco) une discothèque grande comme un placard à usage unique, ou (Love Me Tender) une auto tamponneuse esseulée, de Pierre Ardouvin, ces artistes créent des images frustrantes teintées d’humour et de poésie qui «court-circuitent» notre réseau émotionnel. Ces oeuvres induisent une tension qui produit un effet d’étrangeté, sensation paradoxale face à des oeuvres constituées à partir d’éléments de la fête symbolisant l’amusement. L’individu face au groupe n’échappe pas à la solitude…
Pour l’exposition «Let’s Dance», rien d’ironique ou de morbide, pas plus que d’effusion ou d’empathie. Nulle récupération du passé, nulle anticipation de l’avenir. Quand l’intemporalité s’installe, même la nostalgie n’existe plus.