Comment est née la rencontre avec Kitsou Dubois?
Fantazio. En fait, c’est un désir de Pascale Henrot. C’est une sorte de commande, comme ça un peu mystique. Elle avait l’idée que si on se rencontrait quelque chose fonctionnerait. Et en effet, il y a une sorte d’axe commun à notre travail. Kitsou travaille sur l’apesanteur qui modifie les codes du rapport à l’espace. Un objet fixe auquel on pourrait s’accrocher, si on le touche en apesanteur il nous repousse. Ce renversement des codes chez moi, c’est une obsession. C’est fondamental dans ma manière de travailler.
Vous voulez les casser?
Fantazio. Disons que je me sens enfermé dans des codes de chanteur ou de performeur, certains codes produisant des formes d’autocensure intime. Par exemple, on sait plus ou moins qu’on doit faire des morceaux de trois ou quatre minutes si on veut passer à la radio, qu’un concert doit durer une heure et quart. Pendant des années, quand j’arrivais dans les lieux où j’allais jouer, on me montrait la scène et je voulais toujours aller au sol pour qu’il puisse se passer des choses. Un concert pour moi n’est qu’un prétexte. C’est le prétexte à ce qu’il se passe vraiment quelque chose d’imprévu. Donc, oui, je cherche à casser les codes, y compris mes propres codes.
Vous avez des tactiques pour casser ces codes?
Fantazio. Il y en a plusieurs, à différents niveaux. Tout dépend de la situation. En général, je cherche à repérer les codes du lieu et je les détourne. Sur une scène classique standard de festival, je vais improviser parce que ce sont des lieux où on n’improvise pas, donc je vais improviser tout en faisant en sorte que les gens ne s’en aperçoivent pas. Je peux aussi interrompre un concert, et descendre dans la salle pour masser quelqu’un, ou me livrer intimement. Je suis très attentif aux accidents qui pourraient surgir. J’ai l’impression que Kitsou travaille dans le même sens avec l’apesanteur, qu’elle cherche des situations d’inconfort pour que ça lui ouvre des portes.
Comment allez-vous travailler ensemble?
Fantazio. Je ne peux pas vraiment répondre parce que ce qui m’excite c’est le truc incertain, ne pas savoir, ne pas avoir décidé à l’avance. Par exemple, elle me propose trois numéros avec des circassiennes et donc, soit j’interviendrai entre les numéros, soit j’entrerai dans le numéro et je viendrai le troubler un peu, ajouter un peu de vitesse ou un peu de lenteur. Peut-être que je serai un vrai personnage, ou parfois seulement un habilleur sonore. Pour moi, rien ne peut vraiment être décidé car un de mes buts est de créer de la distorsion dans le public. En plus, cela va durer trois semaines alors c’est comme si on pénétrait dans un tunnel, ce qui rend l’expérience passionnante. Au fur et à mesure des jours, ce sera comme une matière, comme une pâte à modeler qui évoluera.
Pourquoi avez-vous fait appel à DJ Shalom pour jouer à vos côtés?
Fantazio. J’ai appelé à la rescousse DJ Shalom tout d’abord, et tout simplement, parce que s’il l’on ne se met pas au travail on finira par ne faire que de l’improvisation sauvage jusqu’à quatre-vingt-dix ans sans structurer nos idées, alors là , c’était vraiment l’occasion de déterrer des sons ensemble et de les mettre en forme. Une mise en forme pour un disque à venir, minimal, hybride, pour rythmer mes ritournelles obsessionnelles. Ces trois semaines seront donc un temps de travail évoluant d’un soir à l’autre, chantier propice pour mettre des idées de côté et les retravailler ensuite. DJ Shalom est capable de trouver des ambiances intemporelles dans l’improvisation, de fabriquer des voyages à plusieurs dimensions et du sens à plusieurs tiroirs qui me donne la direction de personnages qui peuvent entrer ou sortir de la musique.
Autour des pièces de Kitsou Dubois, il pourra donc y avoir un travail uniquement sonore qui pourra augmenter ou réduire les pressions de l’air de ses apesanteurs, ou bien des sons donnant naissance à des formes de théâtralité dans les interstices.