Tout durcissement des conditions économiques entraîne-t-il automatiquement une hausse de la rentabilité des produits et de leur durée de vie ? Ce débat tout à fait actuel est nourri tant par des arguments selon le modèle darwinien du Survival of the Fittest que par des icônes du design d’époques révolues et secouées par la crise.
Lorsque l’on considère le sujet de plus près, ces comparaisons semblent pourtant bancales le plus souvent car, sous des présages divergents, la création moderne, en particulier le design industriel, a depuis toujours recherché l’efficacité et la réduction des moyens formels et fonctionnels. La rationalité de la production mécanique elle-même suggère déjà une réduction du langage formel, mais des impulsions importantes dans ce sens viennent et sont venues d’autres domaines comme l’esthétique japonaise et le dialogue du design avec l’art abstrait.
Le Vitra Design Museum, à travers cette nouvelle exposition, aborde ces conditions et ces influences et présente un grand art, celui de la réduction, quintessence de la création. Au fil de douze chapitres répartis en quatre intitulés : Fabrication, Fonction, Esthétique et Éthique, il présente des motifs et stratégies suivis par le design dans sa quête d’efficience. Le fait que le Vitra Design Museum se concentre sur les tendances du design de meubles – sans du reste s’y limiter – s’avère un avantage décisif puisque le meuble, représentant de la culture quotidienne et de notre attitude face au monde, fournit des arguments particulièrement évidents à ce thème complexe.
À tire d’entrée en matière, le musée montre tout d’abord, dans un prologue, un choix surprenant d’objets de tous les jours. Le tour d’horizon part du silex taillé préhistorique, fait un détour par les anneaux pour pack de cannettes et un diamant poli pour aboutir au Smartphone. De même, des objets de la collection du designer suisse Franco Clivio illustrent une recherche pour ainsi dire universelle des solutions les plus simples.
Le musée, pour représenter les différentes approches de la réduction en tant que quintessence de la création, révèle certaines de ses plus beaux objets, de même que d’étonnants trésors et nouvelles acquisitions. À côté de classiques incontournables ici, tels que le fauteuil Wassily de Marcel Breuer – dans la version du premier modèle de série –, le Roodblauwe Stoel de Gerrit Rietveld, une Side Chair de Donald Judd ou le fauteuil de jardin en fibrociment de Willy Guhl, citons la Tulip Chair d’Eero Saarinen sous forme de prototype pivotant, des maquettes d’études peu connues de Charles et Ray Eames et la chaise Brno de Mies van der Rohe, tapissée de parchemin. S’y ajoutent des prêts prestigieux – par exemple un lit pliant de 1800 provenant de la maison royale de Hanovre, la chaise Tail 13 de Heinz Witthoeft en matière synthétique courbée ou la table MR 150/3 de Mies van der Rohe avec plaque de verre noir.
Très certainement, c’est une attention d’un tout autre genre qu’éveillera la présentation de l’automobile la moins chère de toute l’histoire : la toute nouvelle citadine Nano, qui est fabriquée en Inde et non encore commercialisée en Europe…
Exposition
« L’Essence des choses. Le design et l’art de la réduction », du 20 mars au 19 septembre 2010, Vitra Design Museum, Weil am Rhein, Allemagne