Le 9 juillet 2010, à midi pile, Alain Fuchs, président et directeur général du CNRS, Hervé Marseille, maire de Meudon et Gilles Traimond, délégué régional du CNRS, responsable de Bellevue, site célèbre pour le Grand électro-aimant qui y fut mis au point en 1928 par Aimé Cotton, y ont officiellement inauguré l’Espace Isadora Duncan, en présence de personnalités du monde des sciences, de la politique et des arts. De la nièce de la pionnière de la danse libre, Ligoa Duncan, fille de Raymond Duncan, et des deux isadorables contemporaines Elisabeth Schwartz et Catherine Gallant.
Un mot sur le site de Bellevue, qui a peut-être inspiré son homonyme berlinois. D’abord conçu comme château destiné au bon plaisir de la marquise de Pompadour, l’endroit devint par la suite un hôtel de cure avant d’être transformé en hôtel-restaurant de luxe et d’être racheté en 1913 — l’année du Sacre du printemps! — par un héritier des machines à coudre Singer, ayant pour prénom… Paris, qui l’offrit à sa danseuse, Isadora, laquelle y ouvrit l’école dite du Dyonision. Après la première Guerre mondiale, les pouvoirs publics utilisèrent le bâtiment comme hôpital militaire, avant d’y installer l’Office national des recherches scientifiques, industrielles et des inventions, qui prit le nom de CNRS en 1939.
L’auditorium, dévoilé à un public restreint d’invités a été aménagé dans la partie fraîchement restaurée du site, en attendant d’autres travaux, comme la suppression de la barre en béton qui (sur)plombe l’entrée et dissimule l’édifice.
Après les discours de circonstance, dont certains, assez spirituels, ont rapproché l’expérimentation scientifique de la démarche audacieuse et même révolutionnaire de la danseuse américaine, on a eu droit au dévoilement de la plaque de l’«Espace Isadora Duncan», puis à un chant impromptu interprété a capella par Ligoa Duncan. Et, enfin, à de la danse vivante.
Elisabeth Schwartz et Catherine Gallant, vêtues de robes flamboyantes démarquées des tuniques à la grecque, ont dansé sur plusieurs thèmes romantiques (une valse et deux intermezzos de Brahms, un Nocturne de Chopin, La Révolutionnaire de Scriabine, un morceau de Schubert) diffusés en sourdine par la sono.
Elles ont lentement dévalé l’escalier de la façade blanchie ornée d’arcades néo-classiques et ont arrangé leurs variations en duos. Elles ont ostensiblement joué avec un voile, symbole de légèreté, de liberté — pas du tout d’aliénation — mais aussi, faut-il le rappeler?, de mort subite*, futuriste et néanmoins absurde…
Pieds nus, les danseuses ont exécuté des mouvements harmonieux, fluides, ondulatoires, des improvisations et des citations chorégraphiques. Elles se sont croisées, dispersées, aimantées au centre d’une scène improvisée dans la cour, bornée par des rosiers et des lauriers en pots. Elles ont alterné temps forts et faibles, tension et relâchement, et ont capté l’attention des scientifiques. Le Bellevue d’Isadora fut bel et bien celui des utopies d’un vingtième siècle positiviste et novateur.
*Isadora Duncan meurt le 14 septembre 1927, à Nice, étranglée par le voile qu’elle portait et qui fut pris dans les rayons de la roue de l’automobile Amilcar GS 1924 de son ami Benoît Falchetto.