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Les Visages d’Orlan. Pour une relecture du post-humain

Essai sur les métamorphoses physiques d’Orlan : des opérations chirurgicales aux Self-hybridation, portraits retouchés sur ordinateur. Une analyse nourrie de multiples références à la philosophie, l’histoire de l’art, l’ethnologie, l’anthropologie, l’histoire, etc. Autant de digressions qui tendent parfois à perdre le lecteur dans un fouillis de citations.

— Éditeur : La Lettre volée, Bruxelles
— Collection : Palimpsestes
— Année : 2002
— Format : 12 x 18 cm
— Illustrations : quelques, en noir et blanc
— Pages : 72
— Langue : français
— ISBN : 2-87317-175-8
— Prix : non indiqué

Présentation
par Joëlle Busca

Beauté artificielle qui se donne la peau de l’art, Orlan fait différence et passage dans la problématique du masque, de l’identique et du double.

« Fille de l’art », elle a subi à peu près tous les outrages, cabossée, anesthésiée, découpée, mixée, exhibée sous toutes les coutures. Vif et cru d’une chair ouverte spécularisée à outrance. Objet vivant de sculpture, elle s’est posée en sohtaire au centre de son monde artistique, preuve tangible du célèbre « On écrit avec de soi » de Roland Barthes.
Comme saint Barthélemy, elle offre sa peau. Comme Gilbert & George, elle cultive une identité éclatée, mais ni floue ni brouillée. Elle est et reste elle-même, ayant fait sien le mot d’ordre de Barbara Kruger « Your body is a battleground » (1989). Entre le prudent « Larvatus prodeo » de René Descartes et le culotté « Notre visage est notre ouvrage » du brut Jean Dubuffet, opposée au sens commun qui relègue la femme à la fonction d’icône, Orlan impose sa légitimité d’artiste à concevoir des images dont elle est l’unique sujet, et à se montrer jusqu’à faire dire « Je lis ta peau » Genny Holzer).

L’identité se forge en visuel, se dessine avec le sourire et au moyen d’une lame – logiciel ou bistouri sans doute, ni déstabilisation ou anxiété — manifestes. Chemin qui tourne le dos au body-art du début de la seconde moitié du XXe siècle, au contenu revendiqué subversif, pétri de culpabilité, d’autoflagellation, du côté sombre et morbide de la féminité, artiste en Christ, qui paie, conception hautement romantique. Orlan a bien intégré la domination grandissante des sciences et des technologies sur les êtres, de la propagation d’épidémies fomentées aux possibilités de manipulation ou de réparation. Vérisme touchant aux corps, implications sociales et idéologiques : l’art se confond avec la réalité, l’artiste rêve de l’anticiper. L’art charnel conditionne en actes le possible. Ce qui lie le body et le charnel c’est le plein-la-vue, l’art-choc. Orlan prétend que le lieu de l’avantgarde s’est déplacé de l’art à la génétique [interview d’Orlan par Philippe Dagen, in Le Monde, 22 mars 2001]. Une politique de l’incarnation. Elle sculpte des espaces identitaires qui se modifient sans cesse, un corps Meccano, susceptible de maints arrangements, à condition que le greffon ne soit rejeté, que la liaison résiste. Le corps ne devient pas machine, c’est la machine qui prend corps dans des com binaisons interactives. Le corps clos sur lui-même, sûr de ses forrnes et de son sexe, de ses frontières, se trouve voué aux gérnonies. La chair révèle de nouveaux secrets de fabrication (imagerie, décryptage du génome…) et, désacralisée, peut supporter toutes les retouches. L’art, du fait de l’acquisition par les corps de cet état de transparence, devient regard synoptique continu, sans distance. « Nude attitude », illusoire tout exposable. La polyrnorphie envisagée comme artefact : fantasme onaniste, gestion du jeu de la métarnorphose ou désir de toute puissance ?
À la fois pygmalion insatisfait et Galatée prête à toutes les épreuves, Orlan taille, façonne et épouse. Le pluriel manifeste les insuffisances de l’Unique exceptionnel, réputé improbable.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions La Lettre volée)

L’auteur
Joëlle Busca est critique d’art. Docteur en esthétique, elle est spécialisée en art contemporain africain, auquel elle a consacré de nombreux articles et des ouvrages. Elle a également publié Miquel Barceló. Le Triomphe de la nature morte (La Lettre volée, 2000).

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