Le festival se passe de thématiques — qui bien souvent instrumentalisent les participants — s’intéressant plus à la démarche esthétique des créateurs dont on pourra dire qu’ici, elle se joue des codes de représentation bien intégrés, les dépassant et parfois de façon désinvolte, plus « à côté » que « dans » l’avant garde car plus fantaisiste, glamour et irrespectueuse.
Yves-Noël Genod nous avertit qu’il y aura du texte dans sa pièce au cas où nous y serions allergiques et de plus ce sont des classiques ! Un acteur écume les genres, nu, une serviette de bain autour du cou, il siffle des airs populaires comme s’il était dans sa salle de bain et puis il s’essaie à la commedia dell arte. Plus tard, il vient monologuer au devant du public, égrainant ainsi les citations et les différences de rapports avec les spectateurs. Il revisite la désuète trappe scénique, s’adosse à un geste purement plastique en tapant du point dans le majestueux rideau de fond de scène, nous faisant profiter de ces grandioses ondulations, celles auxquelles le spectateur n’assiste jamais.
Dans la pièce de Jonathan Capdevielle, ce dernier apparaît en jupe, vêtu d’un tee-shirt sur lequel est inscrit « Madonna ». Il est affublé d’une perruque de femme blonde et chante a capella des morceaux de la pop star. On se demande alors si toute la pièce va tenir sur des chansons… Un projet risqué mais opérant car Capdevielle nous fait partager une cascade d’états : la maladresse d’un homme qui tâtonne dans les aigus sur Talons aiguilles et puis, au détour d’attitudes crues et grotesques, se déclare être en manque de sexe. Dix minutes plus tard, la beauté et la grâce d’un transformiste nous séduit et nous finissons par adhérer à sa posture de chanteur. La pièce s’achève sur des rappels.
Fiorenza Menini, elle, explore la transposition de la performance dans l’espace scénique tandis que Raimund Hoghe s’évertue à organiser des rencontres : rencontres avec de jeunes gens qu’il fait entrer dans son univers par toutes sortes de rituels ; rencontres de ces jeunes interprètes avec de vieilles chansons d’amour selon une modalité anachronique qui échappe à la nostalgie, le champ esthétique bousculant ici la notion d’histoire.
Mathieu Bertholet est le plus abrupt et le plus radical dans la traversée des genres. Il commence par une gestuelle abstraite assez conventionnelle sur une ambiance sonore agréable, quasi niaise, puis pose au sol des néons dont on ne saisit pas l’enjeu pour finir par sortir un appareil de gym sur lequel il tente de revêtir un vêtement moulant doré, se battant à moitié avec la machine. Il entreprend ensuite une série d’exercices dans un corps à corps épuisant avec l’engin, se confondant parfois avec celui-ci, devenant sculpture. Ces programmes sont tous dictés par des sms reçus sur son téléphone portable, qui se veulent être des messages politiques décalés: « économie de marché, on est pas des pédés », « le 11 septembre 2001 ou le néo-classicisme américain ». On se plait à croire que c’est peut-être du premier degré, le doute nous habite subtilement, on est plongé dans une déroute au comble de l’absurdité.
Contemporain? Peut-être pouvons-nous souligner que c’est la formule elle-même qui pourrait l’être. Effectivement un autre aspect de ce festival est la réactivité de la programmation qui semble être beaucoup plus en adéquation avec la réalité d’un grand nombre de créateurs d’aujourd’hui, qui travaillent avec des dispositifs scéniques plus légers, des équipes plus réduites et qui se passeraient de délais de production qui semblent dater d’un autre temps.