— Éditeur : Vuibert, Paris
— Année : 2002
— Format : 21 x 14 cm
— Illustrations : quelques, en noir et blanc
— Pages : 137
— Langue : français
— ISBN : 2-7117-7259-4
— Prix : non précisé
Préface
par Jean-Luc Chalumeau
II y a l’art, d’une part, et il y a les théories de l’art, d’autre part. Nous sentons bien que si les secondes permettent d’approcher le premier, et dans certains cas de le comprendre, elles ne sont pas nécessaires pour l’aimer. « Pas plus qu’il ne nous fallait une théorie de l’amour pour être amoureux, écrit Thierry de Duve, ne nous faut-il une théorie de l’amour de l’art pour aimer l’art. » [Thierry de Duve, Au nom de l’art, pour une archéologie de la modernité, éd. de Minuit, 1989, p. 40] Le même auteur ajoute qu’il n’y a pas de fondement théorique au jugement esthétique, car le sentiment et le savoir ne sont pas du même ordre. Il n’y a donc pas de théorie de I’art qui se déduise de la critique (qui fut longtemps seulement affaire de goût), ni de critique d’art qui se justifie dans la théorie. Autrement dit : la théorie de l’art n’a pas son fondement dans I’art; elle n’est pas autonome et doit se fondre dans une théorie extérieure au champ artistique, en l’occurrence une philosophie.
Il n’empêche : I’art et la théorie de l’art ont toujours eu partie liée. À tel point qu’aujourd’hui, I’art serait devenu lui-même philosophie (de l’art). Mais n’allons pas trop vite. Le concept d’art est là , qui peut donner lieu à deux types d’erreurs rappelées par Arthur Danto : « L’une d’ordre philosophique et l’autre de nature simplement critique. La première revient à interpréter un objet qui n’est pas candidat à l’art, et la deuxième réside dans le fait de fournir une mauvaise interprétation d’un objet de type adéquat. » [Arthur Danto, L’assujettissement philosophique de l’art, éd. du Seuil, 1993, p. 64]
Plus que jamais, un objet n’est une œuvre d’art comme telle qu’en relation avec une interprétation. Ou encore : les interprétations sont des fonctions qui transforment des objets matériels en œuvres d’art. Ces interprétations sont de divers ordres: elles appartiennent aux champs de plus en plus difficiles à délimiter de la critique d’art, de l’histoire de l’art et de la philosophie de I’art. Toutes ces catégories seront considérées comme des variantes de la théorie de l’art au sens le plus général et entreront donc dans le cadre du présent ouvrage [On prendra donc quelque liberté par rapport au champ classiquement délimité par Panofsky : « La théorie de l’art (par opposition à la philosophie de l’art, ou esthétique) est a l’histoire de l’art ce que la poétique et la rhétorique sont à l’histoire de la littérature »]. L’exposé sera autant que possible chronologique, et chaque système d’interprétation sera rattaché à son principal auteur, sous forme de fiches conçues comme devant être accessibles à des lecteurs du niveau des premières années des universités.
Le problème posé n’est donc pas de savoir quelle forme d’art il conviendrait d’aimer, mais en vertu de quels arguments, depuis Platon jusqu’à nos jours, des penseurs ont cherché à savoir comment séparer l’art de ce qui n’en est pas, comment expliquer son évolution, comment comprendre les relations que l’homme entretient avec lui. Le caractère délibérément universitaire de cet ouvrage ne doit cependant pas faire oublier que devant toute œuvre se donnant comme de l’art, il faut adopter un point de vue et prendre parti, faute de quoi nous renoncerions à une part essentielle de notre humanité. C’est en tout cas la leçon transmise par l’ensemble des auteurs dont il va être question.
(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Vuibert)
L’auteur
Jean-Luc Chalumeau est critique d’art et directeur de la revue Verso arts et lettres.